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Comment Trump peut mettre la France à genoux en 24h
#internet #bigtech #numerique #France #USA
Article mis en ligne le 2 septembre 2025
dernière modification le 30 août 2025

Notre dépendance numérique aux États-Unis est extrême. Il est temps d’inclure la relocalisation numérique dans nos plans de réindustrialisation.

Il y a déjà bientôt 3 ans, l’homme le plus riche du monde achetait Twitter, la startup technologique états-unienne devenue le plus politique des réseaux sociaux. Musk a beaucoup aidé Trump pour sa réélection, en faisant de sa personnalité, notre naïveté, sa fortune et son rachat de Twitter des armes électorales décisives dans la démocratie états-unienne défaillante.
Musk n’était que le premier : le patron de Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) a également embrassé la politique ultra-conservatrice de Trump. Les autres GAFAM se sont également docilement rangés au premier niveau de ce nouveau bloc ploutocratique. Même le géant suédois de la musique Spotify, géant numérique de niveau deux, a fait acte d’allégeance au président du pays en voie de fascisation. Quand à Deezer, startup née française, elle est maintenant possédée par un milliardaire qui finance lourdement les républicains et est accusé d’une grande proximité avec Poutine.
En France, les câbles de cet outil d’ingérence étrangère renommé “X” que Musk utilise pour faire élire l’extrême-droite en Europe n’ont toujours pas été coupés malgré les preuves et les dérives nazi de son IA. En parallèle, on peut constater que l’écrasante majorité de nos politiciens sont toujours hyper-actifs sur Twitter, de droite comme de gauche, pour qui des milliers d’abonnés (dont une part insondable de robots) valent apparemment plus qu’un boycott du plus puissant des médias d’extrême-droite.
État des lieux de notre délocalisation numérique
Alors que la démocratie états-unienne se fait détricoter, peut-être ne réalisons-nous pas ce choc moral, géopolitique, politique, écologique, économique, et numérique en cours. C’est sur ce dernier que l’on va s’attarder ici. (...)
Nos hôpitaux dépendent de Microsoft, et plus spécifiquement de la filiale d’évasion fiscale irlandaise du M de GAFAM. Nos données de santé sont hébergées chez Microsoft, et ce dernier ne peut garantir que nos données ne seront pas rendues accessibles au gouvernement états-unien lors de cette audition au Sénat.
Les plus grandes banques européennes ont choisi AWS ou Azure pour héberger des données sensibles. L’écrasante majorité de nos paiements, qui font tourner notre économie nationale, repose sur le duopole étatsunien Visa-Mastercard, auquel on peut de plus en plus ajouter Google et Apple pour l’intégration mobile. Nos usages “loisir” du quotidien sont la partie émergée de l’iceberg de notre dépendance numérique étrangère.
Le bug de l’an 2025
La SNCF a migré chez AWS, la filiale de cloud d’un des deux A de GAFAM. Ses responsables eCombien de professions essentielles, dont des services d’urgence ou de sécurité ont leur véhicule branché lors de chaque trajet à Google Maps ou Waze (filiale de Google) ? Combien d’associations ont construit l’intégralité de leur communication externe sur Facebook, et interne sur Whatsapp, possédées par le F de GAFAM ?
Au sommet de l’État, Emmanuel Macron lui-même utilisait Telegram, la messagerie du milliardaire libertarien Russe Durov arrêté en France l’année dernière, lors de son premier mandat. Jusqu’à ce que la Direction du Numérique intervienne et lance Tchap, obligatoire dans les ministères à la rentrée 2025, sur une base commune nommée Matrix aujourd’hui partagée entre autres par de nombreuses armées, administrations et ONG européennes. n sont très fiers. En cas de blocage des services Amazon, il serait impossible de réserver un voyage en TGV. (...)
Relocaliser notre numérique semble physiquement moins intéressant que le reste de l’industrie. Car les paquets d’octets traversent les océans en quelques millisecondes, sans jamais s’y bloquer.
Pourtant ces autoroutes de l’information que sont les câbles sous-marins peuvent être coupés, comme le montre la “guerre hybride” des câbles, aussi appelée guerre froide sous-marine en mer baltique. Vous noterez l’effort pour partager un lien arte.tv plutôt que la plateforme de vidéo monopolistique du G de GAFAM.
Car une perte de réseau filaire et cellulaire peut déstabiliser une région entière, comme l’illustre gravement la série finlandaise Conflict. (...)
Mais un autre intérêt national primordial est incroyablement plus fragile qu’internet : nos démocraties. Les débats sont récurrents sur l’interdiction de TikTok, notamment pour cause d’ingérence dans les élections comme cela fut avéré en Roumanie lors des présidentielles 2024. C’est cela qui doit nous alerter : l’utilisation des plateformes numériques comme des armes géopolitiques.
Exercice de prospective : Trump amasse l’US Navy dans les eaux du sud du Groenland. Que font le Danemark, le Royaume-Uni, l’Union Européenne ?
Rejetez le réflexe de pensée “non mais il ne fera jamais ça”, tout comme nous aurions du le faire avant que la Chine ne lance ses exercices militaires encerclant Taïwan, et surtout que Poutine n’envahisse l’Ukraine, que Musk fasse son salut nazi, ou que le duo Trump-Netanyahou n’expriment leur volonté de vider Gaza de ses habitants. Pour cet exercice, réfléchissez aux conséquences comme si vous aviez lu ce matin dans la presse que l’US Navy amassait ses navires autour du Groenland.
Pensez-vous que Trump et ses généraux sont suffisamment stupides pour ignorer que leurs GAFAM font tourner notre économie et que leur informatique militaire peut clouer au sol une grande partie des flottes d’aviation militaire européennes ?
La domination des GAFAM est une dissuasion nucléaire (...)
La perfection des interfaces utilisateur des GAFAM, leur rapidité, leur innovations hebdomadaires, leurs mécanismes d’addiction parfaitement réfléchis par les meilleurs designers du monde sont irrésistibles : les français ont une très bonne image des GAFAM (à l’exception notable de Facebook).
Nous profitons tous depuis 20 ans d’une gratuité d’accès à des services extrêmement coûteux. Gratuité de façade évidemment : nous le payons via la publicité, et surtout la perte de souveraineté numérique.
Mais comme une attaque nucléaire, la dissuasion joue dans l’autre sens : en cas de mise en œuvre de la menace (couper l’accès aux GAFAM à un pays européen), la confiance des autres nations dans les GAFAM s’effondrerait du jour au lendemain.
Leur cotation boursière plongerait, car limités au marché intérieur des États-Unis, les Google et Facebook diviseraient leur nombre d’utilisateurs et donc leur revenu et influence par 10. (...)
Pourtant, la France regorge de talents dans le monde du numérique. Les Français sont au coeur de la conception des meilleures LLM mondiales qui concurrencent ChatGPT. Les faiseurs sont présents, reste à vouloir les mobiliser, à leur faire confiance. (...)
Un changement de mentalité des citoyens comme des dirigeants est un préalable à la reconstruction d’une souveraineté européenne.
Le coup de pouce de la puissance publique
Notons que l’État fait à cet égard nombre d’efforts, en déployant la messagerie chiffrée souveraine Matrix ou en créant sa suite numérique, une réponse claire à l’offre complète Google entreprise.
Dans le privé, des acteurs comme le suisse Infomaniak ou le français Zaclys n’ont pas le budget ni le haut-parleur marketing de Google, mais déjà une partie de son talent. (...)
Ces initiatives ne sont qu’une continuité du lancement en 2017 du programme beta.gouv.fr, lui-même porté par l’arrivée du logiciel libre au sein de l’administration encadré par l’historique Loi pour une République Numérique.
Les administrations locales ont aussi leur rôle à jouer, comme le montre Grenoble qui a sorti cet été 2025 son Kit d’accès Logiciels libres.
La relocalisation numérique, un sombre repli national ?
L’une des voies possibles pour se défaire des GAFAM consiste en effet à favoriser des intérêts privés nationaux. La France ne manque pas de puissantes sociétés privées d’informatique : Dassault Systèmes, Cap Gemini et autres ESN, Critéo, Doctolib, etc. (...)
De deux, le risque d’un impossible rattrapage des GAFAM via ces initiatives “boîte noire” est également important. Sans partage de connaissance, sans la dynamique d’une mise en commun, certaines briques prennent une décennie à être recodées.
En proposant des projets souverains ambitieux, il est possible de faire revenir des ingénieurs français de la Silicon Valley, mais la marche reste très haute.
Une course coopérative
Si Mistral a pu talonner OpenAI, c’est grâce à l’open source, au logiciel libre et au partage de la connaissance scientifique. Si Mistral a fait étudier l’empreinte environnementale de son modèle d’IA avec l’ADEME et Carbone 4, c’est parce que la France est plus avancée et sensibilisée que les États-Unis qui rappelons-le, ont quitté l’accord de Paris sur le climat.
Si Mappy peut proposer une carte numérique aussi détaillée que Google Maps sans ses milliards d’€ d’investissement, c’est grâce au projet collaboratif et libre OpenStreetMap. (...)
L’équivalent d’OpenStreetMap pour le domaine des moteurs de recherche, un index européen du Web, reste à construire et ce serait une erreur de le privatiser.
C’est grâce à leurs protocoles ouverts et la transparence de leur code que Mastodon et Bluesky ont pu concurrencer X et le Threads du F de GAFAM. Que l’association Framasoft a pu proposer des alternatives aux services Google malgré son financement lilliputien.
Alors que Mastodon est un projet européen, Bluesky est états-unien. Pourtant, il est entièrement open source et interopérable, ce qui dilue énormément sa nationalité. Reste à construire une instance Bluesky sur le sol européen, maintenant que ses ingrédients nous sont servis sur un plateau. (...)
Dès aujourd’hui, vous pouvez découvrir les alternatives européennes sur des sites comme european-alternatives.eu pour le numérique, ou encore goeuropean.org pour des produits comme la nourriture ou les vêtements. La communuté Reddit BuyFromEU (“achetez européen”) est un forum en ligne devenu très actif.
Le mot de la fin
Face à l’adversité géopolitique, la radicalité s’impose. À l’instar de Poutine, chaque hésitation face à Trump, chaque crainte de les braquer ne fera que confirmer chez eux leur supériorité face à la faiblesse numérique des pays européens, vassaux numériques des États-Unis.
Il est urgent que l’Europe acte cette position de dominé et mise grand sur l’ouverture du code et la collaboration européenne pour relever le défi de la relocalisation numérique.