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Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP) Paris/
Communiqué de presse : le Collège de France cède aux pressions et annule le colloque « La Palestine et l’Europe »
#Israel #Gaza #Cisjordanie #genocide #famine #tortures #cessezleFeu #CollegedeFrance
Article mis en ligne le 10 novembre 2025

Nous avons le regret d’annoncer que l’administrateur du Collège de France a décidé d’annuler le colloque « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines » – prévu les 13 et 14 novembre – pourtant programmé depuis plusieurs mois par la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe du Collège de France et le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (CAREP Paris).

Cette décision fait suite à un article publié dans Le Point le 7 novembre, ainsi qu’aux pressions directes exercées par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, publiquement revendiquées par le ministre Philippe Baptiste sur son compte X. Sous couvert de « garantir la scientificité », le ministère justifie ainsi une intervention politique dans le champ de la recherche, en contradiction avec sa mission première : protéger la liberté académique.

Le colloque a été conçu dans le strict respect des procédures scientifiques en vigueur. Les intervenantes et intervenants proviennent d’universités aussi prestigieuses que l’École polytechnique fédérale de Lausanne, l’Université d’Amsterdam, l’INALCO, la SOAS (University of London), l’Université libre de Bruxelles, l’Université de Turin, l’Université Complutense de Madrid, Randolph-Macon College, Rice University, l’Université Roma Tre, l’EHESS, le CNRS ou encore la Queen Mary University of London. La réputation de ces chercheurs et chercheuses, internationalement reconnus, est ainsi injustement mise en cause par une presse partisane relayant les propos calomnieux de la LICRA.

Les axes du colloque ont scrupuleusement respecté une diversité aussi bien disciplinaire que de courants académiques. Les deux premières sessions, consacrées à l’histoire du mouvement sioniste et à la Palestine sous mandat britannique, réunissaient notamment Rina Cohen-Muller, rattachée au département d’études hébraïques de l’INALCO, et Élisabeth Davin-Mortier de l’Université de la Sorbonne également hébraïsante. Les débats académiques relatifs à l’histoire du sionisme opposent, en effet, les chercheurs qui inscrivent ce mouvement dans la résurgence des nationalismes européens du XIXᵉ siècle et ceux qui y voient une ramification du colonialisme. Or, l’universitaire Lorenzo Kamel entendait précisément dans sa contribution évaluer de manière critique chacune de ces approches, dépassant ainsi les lectures parfois manichéennes de l’historiographie contemporaine.

Outre la pluralité des écoles, pleinement respectée, nous rappelons que le choix des intervenants a avant tout été guidé par des critères d’excellence. Accuser ces chercheurs d’antisémitisme ou de militantisme revient à disqualifier sans fondement leurs travaux, pourtant validés par leurs pairs et publiés dans les plus revues scientifiques les plus prestigieuses.

Cette confusion entre évaluation savante et contrôle idéologique met directement en péril l’indépendance du savoir. La recherche n’a pas vocation à être « équilibrée » politiquement : elle doit reposer sur la compétence, la méthode et la probité intellectuelle.

Si ce type de dérive est déjà assumé outre-Atlantique, nous constatons avec consternation sa propagation à toute l’Europe et refusons de rester passifs face à son extension aux institutions académiques françaises.

En cédant à la pression du ministre, Philippe Baptiste, l’administrateur du Collège de France compromet l’indépendance d’une institution fondée il y a plus de quatre siècles, qui a accueilli les plus grands noms de la pensée française, de Foucault à Bourdieu. Cette décision crée un précédent dangereux : il suffira désormais d’un article polémique ou d’un tweet ministériel pour censurer un colloque jugé « sensible ».

Que le ministère reprenne, sans examen critique, les arguments d’un article de presse et d’une association comme la LICRA soulève une question de fond : depuis quand le pouvoir politique se substitue-t-il aux instances de la recherche pour décider de ce qui est « scientifique » ou non ?

Le colloque « La Palestine et l’Europe » vise, dans une perspective historique et critique, à analyser la manière dont la question de Palestine s’inscrit dans les dynamiques européennes contemporaines. Confondre cette démarche académique avec un débat militant témoigne d’une méconnaissance profonde de la vocation des sciences sociales et d’une inquiétante instrumentalisation du mot « scientificité ».

Nous regrettons que, par cette annulation, ne soit ainsi remis en cause la crédibilité du Collège de France. Il en va de la liberté académique, condition première de toute véritable démarche scientifique.

La Chaire d’histoire contemporaine du monde arabe du Collège de France

Le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris