
Alors que l’extrême droite menace de gagner plusieurs élections régionales allemandes, 1 400 activistes se sont réunis dans un camp climat à Erfurt pour faire le lien entre antifascisme et écologie.
« Contre la droite et pour un climat de justice » : accroché au chapiteau d’accueil, un panneau peint à la main annonce la couleur du System Change Camp (Camp du changement de système), organisé à Erfurt, en Allemagne de l’Est. Pendant une semaine, du 5 au 11 août, pas moins de 1 400 activistes d’extrême gauche ont planté leurs tentes dans un parc public de cette ville, connue comme un bastion de l’extrême droite. Conférences, ateliers, films, concerts : malgré la tranquillité joyeuse qui règne sur le camp, une certaine urgence se fait sentir. (...)
« La montée de l’extrême droite est clairement le problème de l’année, c’était donc évident que nous devions installer le camp chez nos alliés à l’Est, afin de leur prêter main forte », explique Anouk ], l’une des porte-parole du Système Change Camp. (...)
« Ils n’ont même pas besoin de faire campagne, car même les partis du gouvernement [verts, socialistes et libéraux] sortent une énormité raciste après l’autre, l’AfD n’a plus qu’à se laisser porter », critique Anouk.
Pour elle, comme pour des activistes présents au camp, une seule évidence : une éventuelle arrivée au pouvoir de l’AfD serait catastrophique pour le climat — et pour le mouvement écologiste. « Toute politique climatique deviendrait impossible et la répression serait terrible », soupire-t-elle. D’où l’idée de rassembler antifascisme et écologie dans un camp climat dédié : une première en Allemagne. (...)
Une initiative saluée par les deux syndicats paysans allemands, qui ont organisé plusieurs conférences et ateliers autour de la souveraineté alimentaire et de la terre. « Auparavant, on pouvait se sentir un peu mis de côté par le mouvement climat. Là, on sent que nos efforts portent enfin leurs fruits et que notre lutte est visibilisée » (...)
Lors des grandes mobilisations des agriculteurs qui ont secoué l’Europe, ils ont dû se battre pour que le mouvement ne tombe pas à la main de l’extrême droite. « Nous paysans, surtout en Allemagne de l’Est, sommes obligés d’être antifascistes. L’extrême droite a voulu noyauter les manifestations pour en faire une sorte d’insurrection généralisée selon les vieilles théories national-socialistes, explique Wolf. On a réussi à l’éviter en dénonçant l’influence de l’extrême droite sur le mouvement auprès des grandes organisations agricoles, qui commençaient à perdre le contrôle et ont rappelé leurs troupes. »
Attaques néonazies contre les écolos (...)
Plusieurs zad de l’Est ont fait régulièrement l’objet d’attaques néonazies violentes, et certaines ont dû abandonner. (...)
Dans ce contexte difficile, des écologistes radicaux sont amenés à faire du porte-à-porte pour des candidats politiques qui peuvent retirer des voix à l’AfD, et des antifas assurent parfois la sécurité des zad allemandes. Comme ici, à Erfurt, où le camp avait mis en place un dispositif de sécurité autogéré important. (...)
Manifestations et conflits
La tendance s’est même renversée : les activistes du camp ont participé à des actions de blocage contre des événements de l’AfD dans des villes aux alentours, notamment contre un discours du président régional du parti et néonazi connu, Björn Höcke, à Gotha. Une grande manifestation antiraciste et antifasciste a même défilé dans Erfurt le samedi 10 août, avant-dernier jour du camp. (...)
tensions au sein de la gauche allemande sur le camp. C’est que les « antideutsche » (anti-allemands), des militants antifascistes luttant principalement contre l’antisémitisme — et très critiques du mouvement propalestinien — sont majoritaires en Allemagne de l’Est. (...)
Face à un programme avec relativement peu de conférences sur Gaza ou la Palestine, un groupe d’activistes internationaux et allemands a manifesté spontanément dans le camp et mis en place une tente de solidarité palestinienne avec un programme alternatif. En face, les keffiehs et drapeaux palestiniens ont été bannis à des concerts organisés par des groupes « antideutsche » en marge du camp (...)
Entre la menace de l’extrême droite et les dissensions internes, la gauche allemande avait besoin de se retrouver pour réfléchir ensemble. Pari réussi ? Les prochaines élections le diront peut-être.