La trentième conférence internationale sur le climat, la Cop30, démarre le 10 novembre à Belém, en Amazonie brésilienne. Mais les populations amazoniennes n’ont pas été invitées à la table des négociations, dénoncent les femmes de la région.
La trentième conférence internationale sur le climat, la Cop30, approche à grands pas. La ville brésilienne de Belém, en Amazonie, s’est préparée avec des grands travaux et avec des discours contre la crise climatique. La ville va être le théâtre de négociations diplomatiques visant à établir des objectifs de réduction des émissions de carbone et des plans pour freiner le réchauffement de la planète. (...)
Pendant ce temps, les femmes autochtones du Brésil mènent une double bataille : contre la crise climatique, qui affecte leur quotidien, et pour une inclusion véritable dans les sphères du pouvoir, qui les ont historiquement réduites au silence.
Elles sont les plus touchées par la crise climatique et en première ligne des actions de protection du territoire, mais les femmes restent minoritaires dans les instances décisionnelles mondiales. Les données du Panel sur le genre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) montrent que la présence des femmes dans les délégations nationales aux conférences sur le climat reste inégale : en moyenne, seuls 30 à 35 % des représentants sont des femmes.
Seulement un tiers de femmes dans les négociations
Les progrès sont lents, ici comme ailleurs. (...)
« Pour la vie, pour la forêt, pour notre existence en tant que peuples »
Ce sont elles qui, dans les villages, les quilombos (communautés d’anciens esclaves auto-affranchis au Brésil), au bord des rivières et dans les banlieues des grandes villes, ressentent en premier – et le plus durement – les impacts de la crise climatique : chaleur extrême, pluies destructrices, menaces pour la sécurité alimentaire. Les femmes ne viennent pas à la conférence en simples spectatrices, mais en tant que détentrices de savoirs et de solutions pratiques, défiant un système machiste. Leur lutte révèle le paradoxe central de cette rencontre mondiale : comment discuter de l’avenir de l’Amazonie sans écouter celles qui l’ont toujours maintenue debout ? (...)
À Belém, les voix des femmes d’Amazonie doivent être entendues. Parmi elles, Marinete Tukano, leader autochtone, coordinatrice de l’Union des femmes autochtones de l’Amazonie brésilienne (UMIAB), exprime ce que signifie être une femme en Amazonie à l’heure du changement climatique. « Nous, les femmes, portons le territoire dans notre corps. Notre combat est pour la vie, pour la forêt et pour notre existence en tant que peuples », résume Marinete Tukano. Pour elle, l’idée qui relie la nature à la figure féminine va au-delà de la métaphore : elle se trouve dans la pratique de cultiver la terre, de pêcher, de protéger la rivière, de donner la vie et de prendre soin de la vie.
Pour la dirigeante autochtone, la Cop est à la fois un espace de visibilité et d’exclusion. (...)
Aujourd’hui, son organisation se prépare à envoyer neuf femmes à la Cop de Belém.
« La sécurité alimentaire des communautés est menacée »
La leader autochtone rappelle que le changement climatique se vit pour sa communauté au quotidien, avec les rivières qui s’assèchent, les poissons qui disparaissent, l’agriculture qui pâtit des sécheresses ou d’inondations extrêmes. « La sécurité alimentaire des communautés est menacée. Cela provoque des maladies physiques et mentales », rapporte-t-elle. (...)
« Il y a des femmes autochtones qui vivent dans les banlieues de Belém dans l’oubli. Mais elles existent, elles résistent, et elles aussi font partie de l’Amazonie », souligne Marinete Tukano.
Forêt, fleuve, mer, ville, quilombos, villages
La coordinatrice souligne la pluralité qui caractérise l’Amazonie. « L’Amazonie n’est pas seulement une forêt. C’est un fleuve, une mer, la ville, des banlieues, des quilombos, des villages. Elle est afro-descendante et aussi indigène », énumère-t-elle. Cette vision élargit le débat sur le climat, en montrant que le territoire amazonien est constitué d’une diversité de modes de vie, tous menacés par la crise environnementale et l’avancée des projets extractivistes. Pour Marinete Tukano, la conférence sur le climat n’aura de sens que si elle donne réellement la parole aux communautés autochtones : « Ça ne suffit pas d’utiliser l’Amazonie comme vitrine. Il faut écouter ceux qui vivent ici, en particulier les femmes. » (...)
La stratégie consiste à créer un stand collectif, qui servira de point de convergence et de dialogue. Dans cet espace, elles tiendront des sessions collaboratives sur le genre, les droits des femmes, la participation politique, sociale et économique, en associant toujours ces thèmes aux questions spécifiques des populations quilombolas.
« L’objectif est d’assurer la visibilité et de renforcer la voix des femmes quilombolas, en plaçant nos expériences et nos luttes au centre des discussions sur la justice climatique et les droits humains », explique Carlene Pristes, coordinatrice à l’organisation Malungo, la coordination des associations Quilombolas du Pará, qui représente et défend les droits de plus de 600 communautés.
Pour Carlene Pristes, la présence de ces femmes dans les espaces de décision sur le climat est fondamentale. (...)
Les villes d’Amazonie étouffent
L’organisation prévoit d’emmener une délégation de cent femmes quilombolas à la Cop30. « Être à la Cop signifie que la lutte contre le changement climatique doit tenir compte des voix de celles et ceux qui ressentent au quotidien les effets du changement climatique et qui ont des propositions concrètes pour prendre soin de la terre de manière durable et équitable », insiste Carlene Pristes.
Alors que la chaleur s’intensifie et que les pluies s’abattent avec toujours plus de force sur le Brésil, dans les zones urbaines, ce sont les femmes des banlieues qui subissent les premières les effets de la crise climatique (...)
Les voix des banlieues effacées
Ces voix se heurtent à des obstacles historiques pour occuper des postes de décision. Les obstacles sont les mêmes que dans d’autres sphères : le croisement du racisme, du machisme et de la LGBTphobie. (...)
L’effacement est si profond que même dans les documents officiels élaborés dans la région, le groupe démographique le plus important d’Amazonie, les personnes qui se déclarent noires, est invisible. (...)
La Déclaration de Belém est un document rédigé lors du Sommet de l’Amazonie qui s’est tenu en 2023. Dans ses plus de cent paragraphes, elle détaille les défis liés à la protection du territoire de l’Amazonie : développement durable, santé, exploitation illégale du bois et des ressources minérales, science et technologie, situation sociale des familles vivant dans la forêt, protection des populations autochtones et protection du biome, dans l’optique de réduire les inégalités et de lutter contre la faim. « Les populations autochtones sont citées près de 200 fois dans cette déclaration. Ce n’est pas une critique à l’égard des peuples autochtones, ils doivent être présents. Mais les noirs et les noires qui vivent dans les banlieues des villes d’Amazonie ne sont pas mentionnés dans ce document », souligne la chercheuse.
La critique principale adressée ici à la Cop30 est qu’elle est organisée par des personnes qui ne connaissent pas la réalité amazonienne. (...)