En France, agresser un défenseur de l’environnement est sans conséquence.
Bon Pote a interrogé plusieurs dizaines d’associations et défenseurs et défenseuses de l’environnement pour mesurer l’ampleur des agressions et menaces qu’ils et elles subissent. Le constat est glaçant : notre enquête a identifié 200 agressions et violences graves au cours de la dernière décennie et seules 5% ont abouti à des condamnations, le plus souvent minimes et avec sursis.
Autrement dit, environ 95% des agressions envers les défenseurs de l’environnement restent impunies. Leur nombre et leur gravité s’accélèrent ces dernières années, avec de véritables commandos civils qui s’organisent pour réprimer les écologistes.
Interrogé sur les conclusions de notre enquête, le rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, alerte sur une situation « très alarmante » et estime que « les autorités publiques devraient se saisir » du travail de documentation des violences contre l’écologie. Avec des témoignages et documents exclusifs, Bon Pote revient sur l’augmentation de la violence anti-écolo.
Dix ans de dérive : la France sous la violence anti-écolo (...)
Une association secrète, servant des intérêts privés par des moyens illicites et par la violence. C’est la définition d’une mafia. Une mafia anti-écologie, en France.
2015, le tournant que la France a raté
Tout aurait dû basculer il y a dix ans, quasiment jour pour jour. Le 12 décembre 2015, l’Accord de Paris est signé en France, événement écologique de la décennie au niveau international. A l’époque, la récente mort du naturaliste Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive lancée par un gendarme, fait trembler jusqu’au Premier ministre Bernard Cazeneuve et conduit à l’annulation de l’illégal barrage de Sivens le 4 décembre 2015. Rappelons-le : ce barrage était illégal. Le tribunal administratif a même condamné l’Etat français pour ses illégalités fautives dans le dossier. Un défenseur de l’environnement a donc été tué pour avoir participé à une lutte légitime pour l’intérêt général environnemental.
Il aurait fallu ériger des digues. Faire du défenseur et de la défenseuse de l’environnement des figures évidemment contestables, mais qu’il est intolérable de violenter dans une démocratie qui fonctionne. Il n’en fut rien, même à Sivens. La famille de Rémi Fraisse a dû se lancer dans un combat judiciaire de dix ans pour obtenir réparation, tandis que les écologistes encore présents à Sivens ont subi, en toute impunité, la vengeance des partisans du barrage. Aux violences policières a succédé une vague de violences civiles. Les articles de l’époque évoquent des tentatives d’incendie par les partisans du barrage et la destruction de cabanes. En toute impunité.
Nos révélations : Les chiffres de l’impunité (...)
Les travailleurs et travailleuses de l’environnement visé(e)s aussi
A ces agressions il faut ajouter celles, si nombreuses, subies par des agents et agentes et opérateurs et opératrices de l’Etat. Le Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU), qui défend les travailleurs de l’environnement en France, a lui aussi réalisé un inventaire pour Bon Pote. (...)
« On en a marre de t’entendre et de voir ta gueule à la télé »
Nous avons aussi sollicité de nombreux militants et lanceuses d’alertes pour qu’ils et elles témoignent des violences subies. (...)
Cette liste, déjà accablante, n’est que la face la plus visible du phénomène. Elle n’aborde en effet pas les violences commises lors des récentes grandes luttes locales contre des infrastructures polluantes (Bure, Notre-Dame-des-Landes, Sainte-Soline, A69…). Or les agressions y sont omniprésentes. (...)
Interrogé par Bon Pote, Michel Forst, rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement, est formel : « Les autorités ont l’obligation de protéger les défenseurs de l’environnement. Chaque cas d’agression doit faire l’objet d’une enquête rapide, les responsables doivent être traduits en justice, les victimes doivent obtenir réparation. » Le second volet de cette enquête, à paraître demain, montre que ces obligations ne sont absolument pas respectées par les autorités françaises.