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Dans les Hauts-de-France, un canal de 107 kilomètres va « monopoliser » l’eau
#megaprojets #eau
Article mis en ligne le 8 février 2024
dernière modification le 6 février 2024

Peu connu, le canal Seine-Nord Europe devrait voir le jour dans les Hauts-de-France en 2030. Des opposants s’interrogent sur son utilité, et dénoncent les problèmes de gestion de l’eau que soulève ce projet.

(...) « C’est un projet dont les gens entendent parler depuis plus de vingt ans sans que rien ne se passe. Alors, ils pensent qu’il ne se fera jamais et ne se mobilisent pas », continue cette membre du Collectif contre le canal Seine-Nord Europe. (...)

fin 2022, les premiers coups de pelle ont été donnés dans l’Oise et « le chantier du siècle », comme l’appelle la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE), maître d’ouvrage du projet, a bel et bien commencé. Le 16 décembre dernier, 200 à 300 opposants se sont finalement rassemblés à Compiègne pour une première manifestation. « Ce mégacanal a été pensé à une période où l’on ne se posait pas les mêmes questions en matière d’écologie. Aujourd’hui, il pose problème », assure Emmanuelle.

Il est vrai qu’à l’heure où les grands travaux ne font plus l’unanimité, l’ampleur de ce chantier interroge. Long de 107 kilomètres, le futur canal devrait traverser la région Hauts-de-France entre Compiègne (Oise) et le nord de Cambrai (Nord), parallèlement à l’actuel canal du Nord. Objectif affiché : rendre possible la navigation de péniches à grand gabarit entre la France, la Belgique et les Pays-Bas, ce que le canal du Nord, trop étroit, ne permet pas. Sa construction nécessitera la création de soixante-deux ponts routiers et ferroviaires ainsi que, prouesse technique, un pont-canal de 1,3 km qui transporterait l’eau par-dessus la Somme (...)

Avec 78 millions de m3 de terrassement (plus de trois fois les travaux du métro du Grand Paris), sa construction engage les plus grands travaux d’infrastructures jamais connus en France. Financé par l’Union européenne, l’État français et les collectivités territoriales qui dirigent la SCSNE, le projet est, pour l’heure, estimé à 5,1 milliards d’euros.

Le projet est toutefois présenté comme écologique par ses initiateurs puisqu’il promet de réduire le fret routier, particulièrement polluant, à la faveur du fluvial, bien moins producteur de gaz à effet de serre. Et pour convaincre, le maître d’ouvrage utilise un argument simple et efficace : les bateaux grand gabarit peuvent transporter jusqu’à 4 400 tonnes de marchandises chacun, soit l’équivalent de 220 camions. De quoi désengorger l’autoroute A1.
Monopoliser « 55 fois la mégabassine de Sainte-Soline » (...)

En premier lieu, le comité considère que les péniches à grand gabarit ne viendront pas forcément remplacer les camions. (...)

Pour les opposants, le canal pose aussi question en matière de gestion de l’eau. C’est d’ailleurs ce qui a poussé le collectif Bassines non merci à participer à la manifestation du 16 décembre à Compiègne. Son alimentation va monopoliser 35 millions de m3 d’eau. (...)

Or, selon un rapport du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) des Hauts-de-France, rendu le 8 novembre 2022, il se pourrait que cette quantité ne suffise pas. En prenant en compte le réchauffement climatique, le canal aurait besoin d’une seconde retenue d’eau pour que la navigation reste possible en temps de sécheresse. Alors que la ressource en eau pourrait se raréfier, mobiliser de telles quantités d’eau pour assurer du transport de marchandises inquiète.

Dans ce même rapport, la SCSNE répond à ces inquiétudes. D’après elle, seule l’Oise alimentera le canal en eau : hors de question de puiser dans les nappes phréatiques. (...)

Le Ceser incite tout de même les acteurs régionaux à s’interroger : au détriment de quoi, de qui, le remplissage du canal devra-t-il se faire ? Les particuliers ? Les agriculteurs ? Les milieux naturels ? Parmi les opposants, on doute que la dernière option ait bien voix au chapitre.