
Pour mener sa bataille culturelle, l’extrême droite ne bénéficie pas seulement d’invitations dans les médias traditionnels. Ceux-ci reprennent de plus en plus ses mots et ses concepts pour traiter l’information. Ce qu’a observé Pauline Perrenot pour Acrimed.
Le symptôme le plus visible, c’est que de nombreux concepts portés par l’extrême droite sont désormais jugés dignes d’être discutés légitimement dans des médias généralistes traditionnels. Des mots comme « grand remplacement », « ensauvagement » ou « islamo-gauchisme » ont par exemple été rabâchés et légitimés.
Au-delà des mots, il y a des tendances structurelles, comme ce que nous appelons les coconstructions de la peur et de la haine. Les préoccupations historiques de l’extrême droite, à savoir l’islam, l’immigration, la sécurité, sont largement et régulièrement surexposées dans l’agenda médiatique.
Surtout, si on étudie l’audiovisuel et la presse écrite sur les trente dernières années, on observe que ces thématiques sont de plus en plus traitées selon des angles qui font écho aux thèses de l’extrême droite (...)
Il y a aussi une forme de routine, parfois inconsciente, dans la pratique du journalisme politique qui contribue à cette normalisation. Un journalisme de commentaires qui se concentre sur des petites phrases, la communication des partis. C’est bénéfique pour le RN, car cela est très rarement compensé par un travail de reportage et d’analyse sur la réalité du programme frontiste.
Le mythe de « Le Pen sociale, candidate du pouvoir d’achat » est à peine déconstruit. Ce sont les mêmes dégâts avec les sondages. (...)
Pour ces chaînes, mais aussi pour le reste de l’audiovisuel, les contraintes commerciales et les rapports de concurrence réclament une production accrue de contenu dans des temps toujours plus restreints. Ce qui a pour conséquence de sacrifier les enquêtes sociales pour privilégier des formats à bas coût, comme les plateaux de « toutologues », spécialistes de rien mais qui s’expriment sur tout. Ce type de formatage du débat public profite toujours au récit dominant, en particulier sur les thématiques de sécurité ou d’immigration. (...)
Il y a une marginalisation des chercheurs et des chercheuses, et les discours qui s’éloignent du périmètre préétabli sont disqualifiés. Les accusations de naïveté, d’ingénuité, d’irréalisme s’abattent facilement. Dans le même mouvement, la gauche est diabolisée, particulièrement depuis les dernières législatives ou encore plus après le 7 octobre. Le tout, au mépris des fondamentaux journalistiques : le contradictoire, les éléments factuels… (...)
Il y a un continuum dans la circulation des idées d’extrême droite.