
Des données publiques consultées par Mediapart montrent qu’en dépit de la décision de justice du 18 décembre, plus de 10 000 mètres cube d’eau continuent d’être prélevés chaque jour pour alimenter la mégabassine de Sainte-Soline. Interrogée, la préfecture répond qu’elle fera respecter l’arrêt.
En dépit du fait que la mégabassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) a été déclarée illégale par la justice, l’équivalent de la consommation d’eau annuelle de 200 Français·es continue d’être pompée chaque jour pour remplir cette retenue.
Le mercredi 18 décembre dernier, la cour d’appel administrative de Bordeaux a rendu un arrêt actant que la mégabassine de Sainte-Soline – ainsi que trois autres réserves d’eau en projet à Saint-Sauvant (Vienne) ainsi que Mougon et Messé (Deux-Sèvres) – ne respectait pas le droit. (...)
La Coop de l’eau 79, coopérative d’agriculteurs irrigants des Deux-Sèvres qui porte ces quatre projets, n’a pas réalisé la démarche de demander une dérogation « espèces protégées », alors que ces infrastructures sont situées dans un « secteur sensible » pour l’outarde canepetière, un oiseau menacé d’extinction.
En conséquence, l’autorisation de construction de ces réserves a été suspendue. La retenue d’eau de Sainte-Soline étant déjà édifiée, la justice a ordonné que la mégabassine ne donne pas lieu à « un nouveau remplissage ».
Pompage illégal
Toutefois, le suivi quotidien du Système d’information sur l’eau du Marais poitevin (SIEMP) montre que depuis cette décision de justice, de l’eau continue d’être pompée chaque jour pour remplir la réserve de Sainte-Soline. Depuis le 18 décembre, 22 882 mètres cube d’eau ont déjà été prélevés en toute illégalité directement dans les nappes phréatiques de la zone, soit ce que consomment en moyenne 423 Français·es en une année. (...)
Marie Bomare, juriste à Nature-Environnement 17, avance à Mediapart : « Dès le 18 décembre, le pompage aurait dû être arrêté, sachant que le juge a fait la faveur d’autoriser aux agriculteurs raccordés à la retenue de Sainte-Soline d’utiliser l’eau qui a déjà été stockée à cette date. La Coop de l’eau 79 continue donc, à la vue de tous et en toute illégalité, de remplir cette mégabassine. » Contactée par Mediapart, la Coop de l’eau 79 a refusé de nous répondre sur le fond, avant de raccrocher.
Ce 21 décembre dans la matinée, la juriste a alerté par courrier la préfecture des Deux-Sèvres et l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (les gendarmes de l’environnement) du remplissage illégal de la mégabassine, appelant à leur « pouvoir de police administrative » pour faire respecter l’État de droit. (...)
Sollicitée par Mediapart, la préfecture des Deux-Sèvres a répondu que dès lors que la décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux est exécutoire, « si la télétransmission des données fait apparaître une poursuite du remplissage, les mesures adéquates seront prises (sanctions administratives et poursuites pénales) ».
Le jour-même du rendu de l’arrêt, la Coop de l’eau avait pourtant, dans un communiqué, affirmé qu’elle « prenait acte » de cette décision de justice et qu’elle allait « se mettre en conformité », en demandant la dérogation « espèces protégées ». Pointant « le régime de dérogation permanent de la part de l’État quand il s’agit des mégabassines », Julien Le Guet, porte-parole de Bassines non merci et figure de la contestation contre ces retenues d’eau agricoles, assure : « Nous demandons un arrêt immédiat du pompage de l’eau à Sainte-Soline, sinon il y aura une réaction citoyenne à la hauteur. »