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Mediapart
Des sinistrés climatiques veulent attaquer l’État pour insuffisance en matière d’adaptation
#urgenceclimatique #sinistresclimatiques
Article mis en ligne le 8 avril 2025

Quatorze victimes d’aléas climatiques et associations entament le 8 avril un recours en justice contre l’État, l’accusant de ne pas assez les protéger contre le réchauffement planétaire. La plainte cible particulièrement le Plan national d’adaptation au changement climatique présenté par la ministre de l’écologie en mars

C’est un recours en justice inédit. Le 10 mars, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, a présenté le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc). Cette feuille de route, composée d’une cinquantaine de mesures, a pour objectif d’adapter la France à + 4 °C de réchauffement d’ici à la fin du siècle.

Mais cinq citoyen·nes directement touché·es par le réchauffement planétaire, appuyé·es par neuf associations, estiment que la réponse de la ministre est loin d’être à la hauteur du chaos climatique. Ils et elles entament le 8 avril une action en justice contre l’État, l’accusant de manquer à son obligation de protéger chaque Français·e face aux conséquences de la flambée des températures.

Délégué général de l’Association nationale des gens du voyage citoyens, structure requérante dans ce dossier, William Acker indique à Mediapart : « Les voyageurs et voyageuses souffrent beaucoup des canicules car nombre d’aires d’accueil sont de simples parkings. Et encore récemment, en Loire-Atlantique, une coulée de boue a emporté des caravanes de plusieurs familles. Or il n’existe pas de produit assurantiel pour les caravanes d’habitat qui ne sont pas considérées comme des logements. Dans le Pnacc, les gens du voyage ne sont mentionnés qu’une seule fois, et ce, pour indiquer que des bouteilles d’eau ont été distribuées sur les aires d’accueil durant les vagues de chaleur... » (...)

Dès 2021, le Haut Conseil pour le climat a alerté que les deux tiers de la population française étaient déjà « fortement ou très fortement » exposés au risque climatique. Dans son dernier rapport annuel, la vigie française du climat a souligné que les inégalités d’exposition face au dérèglement du climat risquaient de « s’aggraver » pour les plus précaires, à l’instar de Salma Chaoui, une des cinq demandeur·esses dans ce recours. Étudiante de 23 ans, elle vit dans l’Est parisien avec sa mère et son petit frère dans un trois-pièces envahi par les moisissures. (...)

Attaque devant le Conseil d’État

L’action en justice n’a pas pour but d’exiger des indemnisations pour les victimes d’aléas climatiques, mais de contraindre l’État à affermir ses politiques d’adaptation. Concrètement, les requérant·es ont envoyé le 7 avril après-midi un courrier au premier ministre et à huit ministres, dont celle de l’écologie, leur demandant de réviser le Pnacc et d’adopter de nouvelles mesures pour que l’État protège réellement les citoyens et citoyennes.

Le gouvernement aura ensuite un délai légal de deux mois pour répondre à cette demande. Si les ministres ne réagissent pas, ou ne leur donnent pas satisfaction, les demandeur·esses pourront attaquer ce refus devant le Conseil d’État pour « excès de pouvoir ». (...)

Les manquements du Pnacc en matière adaptation sont en effet tels que le Haut Conseil pour le climat a par exemple rendu un avis le 13 mars, avançant qu’en l’état, les actions du Pnacc « ne garantissent pas la capacité à protéger les personnes ».

D’un point de vue juridique, le recours repose entres autres sur la Charte de l’environnement (articles 1er et 3) qui fait peser sur l’État l’obligation de protéger de manière effective la santé humaine contre les effets du changement climatique, ou encore sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – notamment l’article 2 qui garantit le droit à la vie. (...)

Présidente de « Mayotte a soif », association requérante qui lutte pour l’accès à l’eau potable sur l’archipel, Racha Mousdikoudine s’indigne auprès de Mediapart : « Alors que depuis le début des années 1980, Mayotte subit de graves sécheresses et que plus de 300 000 Mahorais sont assoiffés, la seule réponse de l’État est le silence. » Et la trentenaire de soulever : « Comment expliquer le matin à mes deux enfants de 9 et 11 ans qu’il n’y a pas d’eau à boire ? Cela rend les conditions d’hygiène très difficiles, et des gestes élémentaires comme cuisiner ou inviter des gens chez soi deviennent vite très problématiques. »
Défaillances généralisées

Le recours en justice lancé par les quatorze demandeur·esses décortique ainsi minutieusement les lacunes du Pnacc tout comme celles des autres politiques publiques d’adaptation, tels les plans de prévention des risques naturels, qui ne tiennent toujours pas en compte certains effets du changement climatique. (...)

« Ces quartiers très bétonnés subissent de plein fouet les canicules qui rendent les logements invivables, détaille auprès de Mediapart cette étudiante de 22 ans. La Seine-Saint-Denis est le premier désert médical de France, cela veut dire qu’en termes de prévention des risques climatiques, les habitants de ce département sont plus vulnérables. Nous demandons à ce que ces inégalités sociales exacerbées par le changement climatique soient enfin prises en considération dans le Pnacc. »

Ce recours est présenté par les demandeur·esses comme la première action en justice dans un pays de l’Union européenne où des citoyen·nes directement concerné·es par les dérèglements climatiques attaquent leur État sur les enjeux d’adaptation.

Sollicité par Mediapart, le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher ne nous a pas répondu.