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l’Humanité
Devantures brisées, tags, coupe de subventions… Les librairies indépendantes attaquées pour leur soutien à la cause LGBT et à la Palestine
#librairiesIndependantes #censure #ntimidations #extremedroite
Article mis en ligne le 16 décembre 2025
dernière modification le 14 décembre 2025

Saccages, pressions, saignées budgétaires… les petits libraires et éditeurs indépendants sont la cible des attaques coordonnées de la droite et de son extrême. Une chasse aux sorcières qui vise d’abord les livres sur la Palestine, la cause féministe et LGBT.

Malgré les coups d’éponge, la vitrine de la Petite Égypte affiche encore des traces de l’agression subie le 15 novembre dernier. Ce jour-là, alors qu’une rencontre avec Francesca Albanese, la rapporteuse de l’ONU sur les territoires palestiniens, est prévue le soir même, Alexis Argyroglo découvre sa devanture barbouillée d’un message : « Albanese la putain du Hamas », accompagné d’une étoile de David. « Le tout réalisé avec une peinture contenant une substance corrosive qui ronge le verre », déplore le propriétaire de cette librairie parisienne.

Elle est loin d’être la seule, ces derniers temps, à avoir vu sa devanture dégradée ou taguée, ses serrures forcées, ses employés insultés. En juin dernier, la boutique de Corisande Jover, les Jours heureux, à Rosny-sous-Bois, a été ciblée à deux reprises. La première fois, les serrures ont été remplies de colle, la veille d’une rencontre avec le photographe Martin Barzilai autour de son ouvrage « Nous refusons. Dire non à l’armée israélienne ». La seconde fois, Corisande Jover a vu sa façade marquée de l’inscription « Hamas violeur », écrite avec la même peinture corrosive que celle utilisée contre la Petite Égypte.

« Sentiment d’impunité des personnes qui commettent les attaques »

Dans une société qui se divise et se polarise de plus en plus, ces havres de paix que sont les librairies se voient de plus en plus menacés. Un climat d’inquiétude s’installe. (...)

Des tensions naissent aussi entre libraires : des gérants, parfois plus frileux que les employés, préfèrent cacher un livre qui pourrait causer des soucis. Contre l’avis de leurs collègues. « Mais cela arrive davantage dans les grosses structures que dans les petites librairies », mesure Corisande Jover.

Le 20 novembre, une autre attaque est venue frapper les librairies de la capitale. La droite municipale a empêché, en plein Conseil de Paris, l’attribution d’une subvention de 500 000 euros qui devait permettre des travaux de rénovation dans quarante librairies. (...)

Pour un seul livre, dans une seule boutique, quarante librairies ont été pénalisées…

« Ce livre, « From the River to the Sea », a été en vitrine chez Educational Bookshop à Jérusalem-Est. Il a valu à cette librairie une perquisition par les forces israéliennes et l’arrestation des deux libraires présents, en février 2025. Il est parfaitement scandaleux de voir que la censure qui vise une librairie palestinienne se déroule aussi en plein Paris », raconte Alexis Argyroglo, lui aussi privé de cette subvention municipale. (...)

« Violette and Co n’a rien fait d’illégal en diffusant ce livre », souligne Alexandra Charroin Spangenberg, présidente du syndicat de la librairie française (SLF). (...)

Des passages à l’acte « légitimés par la banalisation de la pensée d’extrême droite » (...)

Et par une droite qui cible de plus en plus la culture, notamment dans cette région des Pays de la Loire, où la présidente Horizons du conseil régional, Christelle Morançais, a fait voter en décembre dernier une baisse de 62 % des aides au secteur. Désormais, les librairies ne font plus partie des lieux soutenus par la région, alors qu’elles sont souvent en difficultés économiques.

Vivre sans aides publiques est quasiment mission impossible pour les libraires de la capitale. (...)

Le monde de la culture sait qu’elle sera l’une des premières visées par un gouvernement d’extrême droite. « On le voit aux États-Unis, où des milliers de livres ont été censurés par les trumpistes », rappelle Bruno Lamarque, directeur de la librairie toulousaine la Renaissance. Avec ces tags et attaques de vitrines, les militants nationalistes veulent, pour le moment, « faire peur aux citoyens », prévient l’historien Jean-Yves Mollier. « Cela est concomitant à l’arrivée de Vincent Bolloré dans l’univers du livre, avec le rachat d’Editis en 2019 », et la publication de plus en plus fréquente de livres d’extrême droite.

La bataille culturelle, dans laquelle chacun veut convaincre, voire « empêcher la diffusion des idées de l’autre », peut amener à des attitudes radicales pointe l’historien, qui cite le livre « Déborder Bolloré », dans lequel les Soulèvements de la Terre proposent, par exemple, de détruire, voler, coller les pages des livres du groupe Hachette, propriété du milliardaire.

Mais les attaques réelles contre les livres et les librairies restent, de fait, majoritairement menées par la droite et son extrême soulignent les libraires des Jours heureux, de la Petite Égypte et des Vagues. Ces deux derniers font partie des cosignataires d’une tribune, publiée le 2 décembre dans « le Nouvel Obs », qui rappelle que face aux tentatives d’intimidation, ils « continueront à défendre fermement le rôle des librairies indépendantes dans la diffusion des savoirs ».