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France24
Double attaque d’Al-Qaïda à Bamako : le Mali face aux limites de sa stratégie sécuritaire
#Mali #AlQaida #Bamako
Article mis en ligne le 20 septembre 2024
dernière modification le 19 septembre 2024

Revendiquée par Al-Qaïda, la double attaque menée mardi contre l’école de gendarmerie et la base aérienne 101 à Bamako aurait fait près de 80 victimes, rapportent jeudi des sources militaires. Un événement d’une ampleur inédite qui interroge quant à la stratégie sécuritaire mise en place par les autorités de transition.

Un lourd bilan se dessine à Bamako, deux jours après la double attaque jihadiste qui a visé, mardi 17 septembre, une école de la gendarmerie et une base militaire.

Contactée par l’AFP, une source sécuritaire a fait état de 77 morts et 255 blessés. De son côté, le quotidien Le Soir de Bamako annonce en une "les obsèques d’une cinquantaine d’élèves gendarmes" ce jeudi.

Ce raid coordonné, le premier du genre à Bamako, a été revendiqué mardi par le Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), affilié à Al-Qaïda, qui a fait état "de grosses pertes humaines et matérielles et un nombre d’aéronefs incendiés". (...)

Cette attaque, la plus meurtrière jamais commise dans la capitale, est un sérieux coup porté aux autorités de transition, arrivées au pouvoir en 2020 à la faveur d’un coup d’État et qui ont érigé la "montée en puissance de l’armée" et la "reconquête du territoire" en "priorité absolue".
Attaque "au cœur du réacteur militaire"

Au-delà de son lourd bilan, la double attaque du Jnim mardi à Bamako est spectaculaire à plus d’un titre : parce qu’elle vise deux symboles du pouvoir militaire mais également en raison de son niveau de planification et de coordination. (...)

En 2015, des terroristes liés à Al-Qaïda avaient déjà mené une attaque dans le centre de la capitale, à l’intérieur de l’hôtel Radisson Blu, qui s’était soldée par la mort de 22 personnes dont les deux assaillants. Les années suivantes, des attaques jihadistes avaient visé la mission militaire de l’UE à Bamako ainsi qu’un hôtel dans la périphérie de la ville. La capitale avait ensuite connu une relative accalmie jusqu’à l’attaque de la base militaire stratégique de Kati située à une vingtaine de kilomètres de Bamako, lors d’une opération d’envergure du Jnim, repoussée par les forces de sécurité au terme d’intenses combats.

"Mardi, en attaquant l’école de gendarmerie et la base aérienne 101 accolée à l’aéroport, les terroristes ont frappé le cœur du réacteur militaire à Bamako", analyse Mohamed Amara, docteur en sociologie et analyste sécuritaire. "Il n’y a pas de précédent ni en termes d’ampleur ni de vulnérabilité pour le système sécuritaire malien."

De nombreux observateurs ont également commenté la portée symbolique de la date de l’attaque, le jour anniversaire de la gendarmerie nationale et au lendemain de la première bougie de l’Alliance des États du Sahel (AES), le pacte de défense mutuelle conclu entre le Mali, le Burkina et le Niger. "Cette date a été choisie par les jihadistes pour causer un impact moral important sur les forces armées", analyse Wassim Nasr. (...)

L’opération du Jnim est un revers cinglant pour les autorités maliennes, promptes à vanter la "montée en puissance de l’armée" face à la menace terroriste. (...)

"Nous n’avons pas le choix, nous sommes menacés dans notre existence depuis plus de dix ans", affirme Bandiougou Danté, président de la Maison de la presse du Mali, qui partage sur ce sujet la vision des autorités de transition. "Ces groupes dénoncent la mauvaise gouvernance mais aucune revendication politique ne peut justifier de prendre les armes contre l’État et de faire alliance avec des terroristes."

Mohamed Amara estime pour sa part que cette guerre sur plusieurs fronts provoque un "épuisement de l’outil de défense" qui profite désormais aux groupes liés aux organisations Al-Qaïda et État islamique.

"Même s’ils ont parfois fait front commun pour contrôler des territoires, il faut faire la différence entre les groupes armés du Nord et les groupes narcoterroristes qui revendiquent une idéologie salafiste", juge le chercheur. "L’approche militaire ne peut pas tout, et les amalgames ferment la porte du dialogue. Nous devons nous inscrire dans un processus de solution politique et les ramener à la table des négociations."