
La science climatique est claire, sans ambiguïté et toujours plus précise : les risques s’aggravent, les catastrophes s’intensifient, et chaque fraction de degré supplémentaire se traduit par des pertes humaines, économiques et écologiques. Pourtant, un double déni persiste. D’abord, un déni des risques climatiques eux-mêmes, comme si les inondations, les sécheresses ou les canicules ne suffisaient pas à convaincre. Ensuite, un déni de responsabilité, qui permet aux acteurs économiques et politiques de reporter l’action ou de se défausser sur « les autres » ou « l’avenir ».
Ce déni prend plusieurs visages : la minimisation des menaces, l’illusion que les sociétés développées seraient épargnées, ou encore la croyance que la technologie suffira à tout résoudre.
Cette persistance du déni, décrite dans le le journal du CNRS., montre qu’une partie de l’opinion publique n’a pas encore intégré la gravité réelle des enjeux. En d’autres termes, si la science ne laisse guère de place au doute, les sociétés, elles, continuent de résister à cette vérité inconfortable.
Le déni de responsabilité : une fuite en avant
Reconnaître les risques n’implique pas nécessairement de se sentir responsable. Le déni de responsabilité se manifeste par une fragmentation du blâme. Les gouvernements renvoient la charge vers les comportements individuels ; les individus accusent les grandes entreprises ; ces dernières, à leur tour, invoquent la « demande » des consommateurs. Dans ce jeu de renvois, personne ne se sent véritablement obligé d’agir à la hauteur de l’enjeu.
C’est ce que plusieurs chercheurs qualifient de « retardisme climatique (...)
Le déni climatique frontal, qui consistait à nier purement et simplement le réchauffement, est devenu moins fréquent. Mais il a cédé la place à une forme plus subtile, et peut-être plus dangereuse : celle qui reconnaît les constats scientifiques mais diffère leur traduction politique.
Ce « retardisme » peut prendre des formes variées : fixer des objectifs lointains sans plans concrets, multiplier les promesses technologiques, ou mettre en avant des « transitions justes » comme prétexte pour ralentir la décarbonation. En réalité, ces stratégies maintiennent le statu quo et prolongent la dépendance aux énergies fossiles. Plus la connaissance scientifique progresse, plus l’écart entre ce que nous savons et ce que nous faisons devient abyssal.
Le déni démocratique : une impasse politique mondiale (...)
le problème est connu, documenté et reconnu, mais il est évacué du débat politique réel. Dans de nombreux pays, il n’existe pas de confrontation démocratique forte autour de l’urgence climatique. Les clivages se jouent ailleurs, sur l’immigration, la sécurité ou la fiscalité, tandis que le climat reste traité comme une variable secondaire, cantonnée à des engagements abstraits ou des conférences internationales ritualisées.
L’absence de débat est en elle-même une forme de déni. (...)
Que l’on observe les États-Unis, le Canada ou l’Europe, le constat est le même : le climat n’est pas encore devenu l’axe structurant de la démocratie, et cette dépolitisation favorise l’inaction.
Vers un « déni du déni » ?
Un pas supplémentaire est peut-être en train de s’opérer, que Rodrigo Nunes qualifie de « déni du déni ». Il affirme que l’époque du climatoscepticisme est révolue, que la majorité de nos décideurs ne nie pas le changement climatique. Mais leurs discours masquent le fait que des formes plus insidieuses de déni persistent : le retardisme, la fragmentation des responsabilités, l’évitement du débat démocratique. Ce « déni du déni » est particulièrement redoutable parce qu’il permet de se convaincre que l’on agit (ou au moins que l’on ne nie plus) tout en continuant d’éviter les transformations structurelles nécessaires. (...)