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Édition : les trois quarts du secteur entre les mains de cinq grands groupes
#edition
Article mis en ligne le 26 mai 2025
dernière modification le 23 mai 2025

Comme pour les médias, l’édition souffre d’un grave problème de concentration : cinq groupes détiennent trois quarts du secteur. On y retrouve aussi Bolloré parmi les puissants propriétaires. Mais les éditeurs indépendants ne baissent pas les bras.

Le livre, comme les médias, n’échappe pas aux logiques capitalistes des grands groupes d’édition. « L’édition est un média comme les autres, ce qui se voit de plus en plus, car ils ont souvent les mêmes propriétaires », rappelle Thierry Discepolo, fondateur de la maison d’édition Agone, et auteur de La Trahison des éditeurs.

La carte « Édition, qui possède quoi », réalisée par le média Le Vent se lève et Agone, en partenariat avec Le Monde diplomatique, et rendue publique en avril, représente ce phénomène de concentration de l’édition entre les mains de quelques-uns.

À la tête des deux groupes d’édition les plus imposants de France, on retrouve les milliardaires Vincent Bolloré (Hachette) et Daniel Kretinsky (Editis). Le premier possède aussi le groupe de médias qui détient CNews, Le Journal du dimanche ou encore Europe 1. Le second, milliardaire tchèque, est propriétaire à travers son groupe CMI des hebdomadaires Franc-Tireur et Marianne, et est actionnaire du groupe TF1.

Pour l’éditeur Thierry Discepolo, « la surproduction suit une stratégie de saturation et d’occupation du terrain ». Il faut remplir le plus possible les étals des libraires pour y afficher ses couvertures, booster ses ventes, et empêcher les autres de prendre la place. Mais cette surproduction fait du mal aux éditeurs indépendants. (...)

Au total, cinq groupes se partagent aujourd’hui 75 % du chiffre d’affaires du secteur de l’édition en France : Hachette (Fayard, Stock, Grasset, Larousse), Editis (La Découverte, Delcourt, Robert Laffont, Nathan), Média Participations (Seuil, Fleurus, Dargaud), Madrigall (Gallimard, Flammarion, Folio) et Albin Michel. Si l’on ajoute les cinq plus grands groupes suivants, 87 % du chiffre d’affaires de l’édition sont aux mains de dix entreprises seulement, ne laissant que 13 % du gâteau aux plus petits groupes et aux indépendants.

La concentration du monde de l’édition tient avant tout à la conjugaison de deux facteurs : l’écrasement et l’invisibilisation des concurrents des grands groupes. (...)

Les titres qui doivent fonctionner sont présélectionnés à l’avance, poussés vers les prix littéraires et dans les médias. Le reste, destiné au pilon – ce qui n’est pas un souci puisque ces groupes se permettent de larges économies de marge. Les maisons d’édition indépendantes, qui ne produisent pas en masse, ne peuvent se permettre cette stratégie économique et se retrouvent ainsi effacées des librairies. (...)

« En 1900, il y avait 9000 librairies en France. Il en reste 3000 à 3500 aujourd’hui », (...)

Des géants à la fois éditeurs et distributeurs (...)

« Les grandes maisons produisent une telle quantité de livres, avec des économies d’échelle tellement démesurées que la véritable édition, lente, pondérée et réfléchie, n’a plus de place », se désole Thierry Discepolo, des éditions Agone. Avec la montée en puissance du groupe de Vincent Bolloré, à la fois dans les médias et l’édition, se pose aussi la question de l’influence idéologique de telles entreprises via les livres. (...)

Influence idéologique

La nomination de Lise Boëll, ancienne éditrice de Zemmour, à la tête des éditions Fayard quelques mois après le rachat de celles-ci par Vincent Bolloré, a fait craindre un virement très droitier. Le constat est que Fayard édite aujourd’hui Jordan Bardella, Philippe de Villiers et Xenia Fedorova, l’ex-directrice de la chaîne de propagande russe Russia Today. (...)

Fin 2024, des dizaines de librairies françaises indépendantes avaient lancé un appel à boycotter les livres d’Hachette, propriété de Bolloré : elles avaient décidé de ne plus les mettre en avant, voire de les retirer des rayons. L’initiative s’inscrivait dans la campagne « Désarmer l’empire Bolloré », lancée en juillet 2024 à l’appel de différentes organisations (écologistes, féministes, syndicales...) dans une situation politique bien particulière, après les législatives anticipées. Pour l’éditeur d’Agone, « cette urgence ne doit pas occulter la réalité du système qui a permis à une seule personne de disposer de pareil pouvoir : la concentration capitalistique ».
Des solutions pour les indépendants

Face à ce système, les éditeurs indépendants luttent pour maintenir des conditions qui permettent de s’impliquer pour chaque ouvrage. Thierry Discepolo milite ainsi pour un statut pour l’édition indépendante, calqué sur la définition proposée par le Centre national du livre d’un éditeur indépendant : ne pas être la propriété d’un groupe et ne pas dépasser un chiffre d’affaires annuel d’un demi-million d’euros – plafond qui pourrait être augmenté. L’éditeur propose également de mettre en place des avantages fiscaux pour les éditeurs indépendants, ainsi que des tarifs postaux préférentiels.

Ces mesures ne seraient toutefois que des pansements. Le plus gros du travail consiste à s’attaquer à la cause de la concentration dans l’édition : légiférer pour empêcher de grands groupes de posséder à la fois des maisons d’édition, des médias, des entreprises de diffusion-distribution et des chaînes de librairies. En d’autres termes, pour le fondateur d’Agone, il faut limiter la taille des géants de l’édition pour en réduire la capacité de nuisance sur le reste du secteur. (...)