
Chaque année, la cité d’Alexandre le Grand s’enfonce de trois millimètres.
Avec le réchauffement climatique et la montée du niveau de la mer Méditerranée, l’Egypte pourrait perdre l’un de ses trésors : Alexandrie, avec son port, ses ruines antiques, ses six millions d’habitants. Le scénario du pire a déjà été écrit par le groupe des experts climat de l’ONU (Giec) : en 2050 "la mer montera d’un mètre". Alors, elle engloutira "un tiers des terres ultra-fertiles du delta du Nil et des villes historiques comme Alexandrie seront inondées". Chaque année, la ville d’Alexandrie s’enfonce de trois millimètres, fragilisée par les barrages du Nil en amont qui empêchent le limon de venir consolider son sol et par le forage de gaz en mer. En face, la mer monte d’autant, sous l’effet du réchauffement et de la fonte de la calotte glaciaire.
Des centaines de personnes ont déjà dû quitter des immeubles fragilisés par des inondations, en 2015 puis en 2020. Ils ne sont que les premiers d’une longue cohorte, prévient le ministère égyptien des Ressources hydrauliques. Dans le delta du Nil, la mer a avancé de trois kilomètres dans les terres depuis les années 1960. Dans les années 1980, le phare de Rosette, construit par le khédive Ismaïl à la toute fin du XIXe siècle, a été englouti par les flots. (...)
1,5 million de déplacés
Le changement climatique en Méditerranée sera l’un des plus radicaux au monde car ses eaux profondes vont se réchauffer plus que tous les océans, prévient le Giec. Dans le meilleur des cas, si la Méditerranée ne monte que de 50 centimètres, comme l’estiment d’autres études égyptiennes et de l’ONU, "30% d’Alexandrie seront inondés, 1,5 million de personnes ou plus seront déplacées, 195.000 emplois détruits et les pertes en terres et en construction atteindront 30.000 milliards de dollars". La catastrophe aura des répercussions sur les 104 millions d’Egyptiens car "outre son histoire et ses vestiges du passé, Alexandrie abrite aussi le plus grand port du pays", coeur névralgique de l’économique égyptienne (...)
sans compter les événements météorologiques extrêmes - hausses de températures, précipitations rares, épisodes neigeux inédits - auxquels les Alexandrins sont confrontés (...) (...)
Le patrimoine en danger
Il n’en a pas fallu plus à Boris Johnson, l’ancien Premier ministre britannique, pour faire, lors de la COP26 l’année dernière à Glasgow, ses "adieux" à Alexandrie, dans un discours qui a glacé le sang des Egyptiens. "Oui, le danger existe et on ne le nie pas, mais nous lançons des projets pour l’atténuer", assure M. Abdelqader. Pour protéger les hommes et les terres, une ceinture de roseaux a été plantée sur 69 kilomètres de côte. "Le sable s’agrège autour et, ensemble, ils forment une barrière naturelle", explique-t-il. Bientôt, des appareils d’alerte et de mesure des vagues seront mis en place. (...)
Alexandrie, avec sa longue histoire de constructions et d’anéantissements, ne veut plus voir son patrimoine s’envoler. (...)
"l’Occident a une responsabilité morale : il doit aider à contrer les effets négatifs du changement climatique, qui est le résultat de ses choix de civilisation". La COP27, qui s’ouvrira le 6 novembre justement en Egypte, sera là pour le rappeler.