
Des milliers de fans de football ont manifesté aux côtés des retraités à Buenos Aires pour dénoncer la brutalité du gouvernement. Déstabilisé par cette alliance aussi spontanée qu’inédite, l’exécutif crie à une tentative de « coup d’État » perpétrée par des hordes de hooligans. À rebours de la réalité
(...) une alliance inattendue : des retraités et des fans de foot se sont unis contre le gouvernement Milei dans une manifestation qui a réuni des milliers de personnes et a été violemment réprimée.
À peine débutée la manifestation, l’immense esplanade a été plongée dans un nuage de gaz lacrymogène. Tentant d’échapper aux salves de balles de caoutchouc, la foule a reflué sur l’avenue de Mai et dans les étroites rues adjacentes. Sans trop comprendre pourquoi, Edgardo s’est retrouvé à terre, immobilisé avec des dizaines d’autres personnes sur ordre de la police. Il aurait fait partie des 124 personnes arrêtées par les forces de l’ordre s’il n’avait pas eu l’idée montrer sa carte de « patient transplanté ».
La répression des forces de l’ordre a fait au moins des dizaines de blessés ce jour-là. Une femme de 86 ans a été hospitalisée après avoir été vraisemblablement poussée par un policier, un homme a été éborgné et un jeune photographe, Pablo Grillo, a reçu une grenade lacrymogène en pleine tête. Il a subi une « perte de masse crânienne » et se trouve toujours entre la vie et la mort.
Les retraités, grands perdants du miléisme
La première année au pouvoir de Javier Milei a été marquée par une augmentation des épisodes de violence policière, en particulier pendant la marche hebdomadaire des retraités. Tous les mercredis, depuis un an et demi, la même scène se répète : des centaines de personnes du troisième âge dénonçant leurs conditions de vie indignes sont violemment frappées et gazées par la police.
Les retraités sont les grands perdants du miléisme. Le minimum retraite s’élève actuellement à 285 000 pesos (environ 250 euros), alors que les produits de consommation coûtent globalement le même prix qu’en France. Si ce n’est plus cher pour certains produits de base comme les yaourts, l’eau en bouteille ou le pain. Le gouvernement Milei a par ailleurs mis fin à la gratuité universelle de plusieurs médicaments pour les retraités. (...)
le succès de la marche « footeuse » du 11 mars : « On a réussi à être ensemble pour une cause commune, mais sous des bannières propres, qui nous représentent vraiment. »
Pendant la manifestation, malgré le climat de peur et la répression, on ressentait en effet l’émotion des supporters, uni·es au delà des rivalités sportives et des clivages politiques. Une femme vêtue d’un maillot du club Boca Juniors évoquait un « besoin supérieur de dire : “Nous sommes des fans de foot, nous sommes argentins. Et ici, on ne frappe pas les vieux” ».
Malgré les dénonciations émanant de plusieurs organismes internationaux, dont l’ONU, qui a demandé au gouvernement d’ouvrir une enquête, l’exécutif ne tremble pas. Et redouble d’agressivité. (...)
pour le gouvernement, les participants de la manifestation du 11 mars ont été essentiellement des hordes d’hommes violents aux tendances mafieuses, prêts à en découdre. Une vision éloignée de la réalité : le rassemblement était populaire et spontané.
La fonction sociale des clubs (...)
Au delà du sport, le club remplit une fonction sociale : une communauté solidaire face aux épreuves du quotidien. (...)
Si cette dimension sociale des clubs perdure encore aujourd’hui, c’est grâce à leur statut juridique qui n’a pas d’équivalent dans le monde : ce sont des organisations à but non lucratif. En clair, les clubs n’appartiennent qu’à leurs adhérents. Même le plus riche des milliardaires ne peut en devenir propriétaire. Pour le moment. Car c’est là l’obsession de Javier Milei : la transformation des clubs en sociétés anonymes sportives, afin de permettre leur rachat par des investisseurs nationaux ou étrangers, introduite dans le « mégadécret » annoncé par le président argentin quelques semaines après son investiture.
En attendant, la ministre a annoncé lundi 17 mars un projet de loi visant à créer le délit d’« association illicite du football ». (...)