
Face à la saturation des centres d’accueil aux Canaries, Amnesty International appelle les autorités espagnoles à signer le projet de loi de répartition des migrants dans toutes les régions du pays. Cette réforme est au cœur d’un débat politique qui agite l’Espagne depuis plusieurs mois.
Il faut agir vite. Dans un communiqué publié jeudi 16 janvier, Amnesty International exhorte le gouvernement espagnol à valider l’accord sur la répartition des migrants dans les différentes régions du pays. Les administrations régionales "n’ont pas assumé leur responsabilité dans l’accueil de ces jeunes garçons et filles […] comme les y obligent pourtant les traités internationaux", a déploré Esteban Beltrán le directeur de l’ONG en Espagne.
"Les autorités et les partis politiques doivent adopter de toute urgence et immédiatement une proposition de répartition contraignante, obligatoire et équitable, qui garantisse un accueil adéquat à tous mineurs", a-t-il martelé.
Amnesty International prévient également que "la surpopulation de certains centres d’accueil de garçons et de filles non accompagnés est l’un des principaux problèmes des îles Canaries, les 82 centres d’accueil pour mineurs étant très au-dessus de leur capacité". (...)
Depuis des mois, le débat sur le transfert des migrants entre les régions espagnoles agite la sphère politique. Le gouvernement socialiste souhaite réformer l’article 35 de la loi Immigration, qui acterait notamment l’accueil obligatoire des mineurs non accompagnés dans les différentes structures du pays (sur le continent), lorsqu’un territoire (comme les Canaries) dépasse 150 % de sa capacité d’accueil. Mais les discussions sont aujourd’hui dans l’impasse : le 5 octobre, le Parti populaire (PP, conservateur) a quitté la table des négociations, mettant un coup d’arrêt à la réforme.
Le président des Canaries Fernando Clavijo ne cesse, depuis, de réclamer la reprise des négociations. "On a un sentiment d’abandon et bien sûr ça nous fait mal", a-t-il déclaré dans un entretien à El Mundo le 13 janvier. "Pedro Sánchez [le Premier ministre] n’est pas solidaire et Feijóo [Alberto Núñez Feijóo, président du PP] a laissé les îles Canaries bloquées". Fernando Clavijo appelle donc à une "grande coalition" du PSOE, au pouvoir, et du PP "autour des questions migratoires". (...)
Les Canaries ne sont pas les seules à réclamer davantage de transferts. Ceuta, région espagnole enclavée sur le territoire marocain, a connu cette année une augmentation des arrivées de mineurs marocains par la mer, après une traversée à la nage. Pour le seul mois d’août, plus de 11 300 tentatives d’émigration irrégulière ont été empêchées par les autorités marocaines à cet endroit, selon le ministère de l’Intérieur. (...)
"Les droits des enfants ne sont pas respectés"
La saturation des dispositifs d’accueil accentue la pression sur les structures d’accueil de Ceuta et des Canaries, et détériorent de fait les conditions de vie des jeunes migrants. Le 9 juillet, l’antenne espagnole de l’Unicef avait tiré la sonnette d’alarme : aux Canaries, "les droits [des enfants] ne sont pas respectés en raison de la saturation absolue du système de protection". "Ces enfants et adolescents arrivés sur l’archipel après un voyage dangereux ont besoin d’espaces sûrs", avait insisté l’institution onusienne dans un communiqué. (...)
Après des jours passés dans l’océan Atlantique, sans eau ni nourriture en quantité suffisante, la plupart des arrivants souffrent d’hypothermie, de déshydratation ou de brûlures causées par le mélange de carburant et d’eau de mer. En octobre, les services de santé canariens se disait d’ailleurs "complètement dépassés", confiait le pédiatre Abián Montesdeoca au média Cadena Ser . "Il est triste de voir qu’un pays avec un niveau de développement comme le nôtre n’est pas capable de soigner […] ces mineurs".
Pour Abián Montesdeoca, "s’il y avait une répartition nationale, nous pourrions assurer une prise en charge et une intégration de meilleure qualité à ces enfants".