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Mediapart
En France, les exilés gazaouis pourront tous prétendre au statut de réfugié
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #refugies
Article mis en ligne le 12 juillet 2025

Une décision rendue ce vendredi 11 juillet par la Cour nationale du droit d’asile reconnaît que les demandeurs d’asile palestiniens venus de la bande de Gaza sont persécutés en raison de leur nationalité, et peuvent donc bénéficier d’une seule et même protection.

« C’est une double fête pour moi », réagit Mme H. auprès de Mediapart. Hasard du calendrier, la décision tombe le même jour que l’arrivée de ses six enfants, évacués vers la France ce vendredi. « C’est une victoire pour tous les Palestiniens. Cela permet de reconnaître que chaque Palestinien est une cible de l’armée israélienne, peu importe ses opinions politiques, et [que les Palestiniens] sont sujets aux bombardements, aux déplacements forcés, à la famine, à la mort. »

La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a acté que les exilé·es palestinien·nes pourraient toutes et tous prétendre au statut de réfugié·e, considérant que depuis les attaques du 7-Octobre commises par le Hamas en Israël et les ripostes menées dans la bande de Gaza, leur nationalité pouvait être un motif de persécution.

Jusqu’ici, ils et elles pouvaient obtenir des protections différentes : le statut de réfugié·e (surtout pour celles et ceux qui étaient déjà protégé·es par l’Unrwa), la protection subsidiaire (un statut moindre accordé lorsque le simple fait de renvoyer une personne dans un pays la met en danger, compte tenu de la violence qui y sévit) ou encore l’apatridie.

Dans sa décision rendue ce vendredi 11 juillet, après une audience spéciale réunissant pas moins de neuf juges dont le président de la cour en juin dernier (appelée « grande formation »), les juges de l’asile estiment « qu’en cas de retour dans la bande de Gaza où ils avaient leur résidence habituelle, la requérante et son fils mineur peuvent craindre avec raison d’être personnellement persécutés, du fait de cette “nationalité”, par les forces armées israéliennes qui contrôlent une partie substantielle de ce territoire » et qu’ils sont « dès lors fondés à se prévaloir de la qualité de réfugiés ». (...)

Cette décision poussera également l’Ofpra « à rejoindre nos arguments sur la reconnaissance du statut de réfugié et sur la coloration nationale du conflit », ajoute l’avocate. « Ceux qui affirment que le motif de la nationalité ne peut être retenu parce que l’État palestinien n’est pas reconnu se trompent. La nationalité dans le droit l’asile ou le droit international ne se résume pas à un passeport ou à la reconnaissance d’un État. C’est une histoire, un peuple, une terre, une culture, une langue. On reconnaît enfin que les Palestiniens sont ciblés pour ce qu’ils sont. » (...)

Dans un communiqué commun du Cnasar, l’association La Palestine nous rassemble, le Collectif des avocat·es France Palestine et Amnesty International saluent une « décision historique » et une « avancée juridique majeure ». « Cette décision constitue un précédent majeur, ouvrant la voie à une reconnaissance de la qualité de réfugié en France pour tous les Gazaouis fuyant les persécutions par les autorités israéliennes », peut-on lire dans le document, qui appelle « la France et les États membres des Nations unies à s’unir pour prévenir le crime de génocide ».

L’existence d’un groupe national

Lors de l’audience à la CNDA, que Mediapart a suivie le 20 juin, la rapporteuse, magistrate chargée d’éclairer la cour, a d’abord dressé un état des lieux à la fois riche et dramatique de la situation dans la bande de Gaza. Les bombardements intensifs israéliens, le nombre de morts et de blessés, les déplacements forcés de population, la famine, la destruction massive des infrastructures sont autant d’éléments permettant d’affirmer qu’il existe une « violence aveugle d’intensité exceptionnelle » dans la bande de Gaza.

Relevant l’existence reconnue d’une histoire commune pour les Palestinien·nes, leur patrimoine historique, architectural et culturel et la notion de nationalisme, la rapporteuse a invité la cour à étudier la possibilité de protéger les Palestinien·nes sur le motif de la nationalité, comme ce fut le cas pour les Soudanais·es dans une décision rendue en décembre 2018, et a cité les conclusions de la Cour pénale internationale, qui a estimé que la population gazaouie était ciblée pour des motifs nationaux. (...)

Face aux juges, Me Haigar a voulu rappeler que « le droit à la vie humaine et à la dignité » devait être la « seule boussole aujourd’hui ». « Que les droits de Mme H. soient menacés en cas de retour à Gaza est une évidence. C’est un euphémisme. Or, il est contre-nature de plaider l’évidence » lorsqu’on est avocat, a-t-elle déroulé, avant d’énoncer une longue « liste d’atrocités », toutes relatées par des ONG et instances internationales, dont le rapport fouillé de plus de 300 pages d’Amnesty International.

« Les persécuteurs de Mme H. [Israël et ses dirigeants – ndlr] ont tenu leur engagement macabre », insiste l’avocate, qui cite la destruction d’un laboratoire où étaient stockés 4 000 embryons in vitro pour démontrer la volonté de destruction globale et systématique de la vie à Gaza.

Et de poursuivre : « Je veux dire à l’Ofpra qu’il s’est trompé dans sa décision, car Mme H. s’est prévalue de persécutions, et dans sa mission, car il y a une primauté du droit au statut de réfugié. Je salue que l’office se rallie à notre position aujourd’hui. » (...)

« Force est de constater que la situation a changé », a reconnu un représentant de l’Ofpra, soulignant qu’il n’était pas question ici d’interroger la protection des Palestiniens en France, mais sa « qualification juridique ». Évoquant des « violations systématiques susceptibles de toucher tous les Palestiniens », l’Ofpra a souligné que l’ensemble de la population de Gaza pouvait être appréhendée par Israël comme appartenant au Hamas. « Il peut donc être considéré que des opinions politiques proches du Hamas sont imputées aux Palestiniens de Gaza en raison de leur nationalité », a-t-il conclu.