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Mediapart
En Italie, le pouvoir mène une « chasse aux sorcières » contre les familles homoparentales
#Italie #Meloni #extremedroite #homoparentalite
Article mis en ligne le 2 janvier 2025
dernière modification le 31 décembre 2024

Le Parlement italien a adopté au mois d’octobre une loi qui criminalise le recours à la GPA, y compris dans les pays où la pratique est légale. Il s’agit désormais d’un « crime universel », dont les conséquences sur les familles concernées sont dévastatrices.

(...) Le 16 octobre, le Sénat italien a adopté à 84 voix contre 58 la proposition de loi de la députée Maria Carolina Varchi, issue du parti Fratelli d’Italia (FdI) de Giorgia Meloni, transformant le recours à la gestation pour autrui (GPA) en « crime universel ». Dans les rangs des parlementaires d’extrême droite, on se réjouit de cette mesure qui « protège la dignité des femmes » et interdit de recourir aux « utérus à louer ». Les familles concernées risquent entre trois mois à deux ans de prison et une amende de 600 000 à 1 million d’euros.

À ce jour, personne ne sait comment cette loi sera appliquée. « On a beau essayer de se rassurer, face à l’inconnu, on a vraiment peur, on risque des poursuites pénales », explique Gabriele. Les questions se bousculent dans son esprit : « Est-ce que le recours à la GPA se concrétise au moment de signer les contrats ? De féconder les ovules ? Lorsque la grossesse est en cours ? » « On est peut-être déjà concernés », glisse son compagnon. « Ne pas savoir quand le crime est acté, c’est potentiellement vivre dans la terreur. Est-ce qu’on doit ne plus oser sortir de chez nous ? Est-ce que la police peut débarquer à la maison et saisir nos ordinateurs et nos téléphones ? On doit se mettre à télécharger des messageries chiffrées ? », demandent-ils ironiquement. (...)

Aujourd’hui, Gabriele et Luca attendent une mère porteuse disposée à porter leur embryon. Au Canada, les délais sont plus longs qu’ailleurs – entre trois et cinq ans en moyenne. La GPA n’y est pas rétribuée. « Les femmes le font dans une démarche purement altruiste, c’est ce qui collait le plus à nos valeurs », soulignent les deux hommes.

La bataille culturelle du gouvernement Meloni

Pour le moment, Gabriele et Luca attendent les premiers retours en Italie des familles dont l’enfant est né à l’étranger ces dernières semaines. Si les pires scénarios de la loi Varchi se confirmaient, ils commenceraient à sérieusement envisager de quitter le pays. Tous deux font partie de l’association Familles arc-en-ciel, qui défend les droits des familles homoparentales. Ils ont toujours défendu leurs valeurs à visage découvert, mais préfèrent cette fois-ci ne pas donner leur véritable identité. (...)

Le couple est aussi le seul dont le parcours de GPA est en cours à avoir accepté de témoigner pour Mediapart. En Italie comme ailleurs, la GPA concerne majoritairement des couples hétérosexuels rencontrant des problèmes d’infertilité. Également sollicitées, les associations spécialisées qui leur viennent en aide ont toutes formulé une réponse similaire : « Personne ne veut parler, la situation est trop délicate. » Peu après l’adoption de la loi, la ministre de la famille et de la natalité, Eugenia Roccella, a demandé aux médecins de signaler les cas d’enfants nés par GPA. « C’est une chasse aux sorcières », affirme Gabriele. (...)

L’adoption de la loi Varchi s’inscrit dans la bataille culturelle plus large que le gouvernement de Giorgia Meloni a décidé de mener contre les familles homoparentales. En juin 2023, le parquet de Padoue avait invalidé les actes de naissance de trente-sept enfants de mères lesbiennes, en s’appuyant sur une circulaire du ministre de l’intérieur, Matteo Piantedosi. Ce texte ordonnait que seul le parent biologique soit reconnu sur les actes de naissance, là où les services d’état civil italiens avaient jusqu’alors toujours enregistré le nom des deux parents, quand bien même la loi sur les unions civiles de 2016 n’avait pas prévu les cas de filiation. En mars 2024, le tribunal administratif de Padoue a finalement cassé cette décision. (...)

« Ce qui me fait vraiment peur, c’est que mes enfants grandissent dans une société où, un jour, quelqu’un pourra leur dire qu’ils sont les enfants d’un crime universel. »
Maurizio, père de jumeaux nés par GPA (...)

Depuis l’adoption de la loi Varchi, plus de cinquante familles italiennes engagées dans des parcours de GPA ont demandé le soutien légal de l’Association Luca Coscioni, qui s’est proposée de défendre leur cause devant les tribunaux, si nécessaire.