Dans la zone frontalière de la Macédoine du Nord, voisine de la Grèce, les migrants interceptés en arrivant dans ce pays des Balkans se voient offrir l’option du "retour volontaire" par la police macédonienne. Les témoignages recueillis sur place indiquent que la pratique - légale et encadrée sur le papier - navigue dans une zone grise où elle se transforme parfois en expulsions déguisées.
Agglutinés dans l’ouverture de la porte du conteneur qui abrite leurs lits superposés, ces quatre jeunes tout juste arrivés de Grèce posent mille questions à la fois à qui veut bien les entendre. "Où se trouve Skopje [la capitale macédonienne] ?", "Si nous décidons d’aller là-bas, que va-t-il se passer ? Y a-t-il un camp ouvert là-bas ? Combien de temps ça prend pour nous y transférer ?" "Et si la police décide de nous renvoyer vers la Grèce, où est-ce qu’ils nous amèneront ?", s’enquièrent-ils.
Arrivés hier soir dans ce centre fermé situé dans la petite ville frontalière de Gevgelija au sud de la Macédoine du Nord, ces jeunes sont plein d’incertitudes. Aux exilés venus de Grèce, interceptés et placés dans le centre de Gevgelija par la police aux frontières, deux choix se présentent. Soit demander l’asile pour rester en Macédoine du Nord et être transférés au centre pour demandeurs d’asile de la capitale, Skopje. Soit opérer un "retour volontaire" vers la Grèce. (...)
"Si nous retournons en Grèce et que la police nous arrête, nous serons emprisonnés pendant deux ans... Et puis dans la zone frontalière il y a des mafias qui pourraient nous kidnapper, nous avons peur", craint un des jeunes du groupe, Raheem, 19 ans, originaire du Caire en Egypte. Retourner en arrière pour s’en remettre une nouvelle fois aux passeurs et tenter un passage sans encombre ne lui semble pas le meilleur calcul.
"Nous voulons juste être tranquilles et en sécurité... Si notre tranquillité passe par le retour en Grèce, qu’il en soit ainsi. Si notre tranquillité passe par un déplacement dans la capitale à Skopje, qu’il en soit ainsi", hésite-t-il. (...)
Le lendemain, nous apprenons que Raheem et les autres du groupe ont tous été ramenés en Grèce par la police. Y a-t-il vraiment eu un choix éclairé et informé ? Tous ces jeunes sans exception étaient-ils vraiment "volontaires" ? Mais surtout : qu’est-ce qu’un "retour volontaire" ?
Les retours volontaires se font "à l’oral, sans documents à signer"
En théorie, comme le définit l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), il s’agit du "retour assisté ou autonome vers le pays d’origine, de transit ou un pays tiers, sur la base du libre arbitre du retourné". Mais en pratique, en Macédoine du Nord, il s’agit d’une zone grise. Qui se décide uniquement à l’oral, s’installe dans un contexte de manque d’informations, et s’apparente parfois à un refoulement à chaud (ou "pushback") illégal. (...)