
La coalition centriste et pro-européenne, menée par l’ancien ministre Donald Tusk, a remporté dimanche les élections législatives, mettant fin à huit ans de règne des nationaux-conservateurs du PiS. Un tournant pour le pays
« Je n’ai jamais été aussi content de ma vie d’une deuxième place [...] C’est la fin du gouvernement [des nationaux conservateurs] du PiS », s’est exclamé, dimanche 15 octobre, l’ancien premier ministre Donald Tusk au QG électoral de la Coalition civique (KO), une formation centriste-libérale qui fêtait sa victoire à l’issue d’élections législatives serrées.
Sitôt les résultats de sondages de sortie des urnes connus, alors que les bureaux de vote fermaient un peu partout en Pologne, l’ambiance était résolument à la joie au musée ethnographique de Varsovie. « J’étais persuadé qu’une campagne négative ne mènerait pas à la victoire. Nous, nous avons parlé de l’avenir, nous avons mérité ce changement », renchérit Rafal Trzaszkowski, qui dirige la ville de Varsovie au nom de la Plateforme civique (PO), le parti de Donald Tusk. (...)
Et un chiffre qui aurait paru inatteignable il y a encore un mois : 248 sièges cumulés pour les trois blocs démocratiques (KO, Troisième Voie et Nouvelle Gauche) à la Diète, la chambre basse de Pologne. Soit bien plus que les 231 requis pour une simple majorité et davantage que le score du PiS (235) il y a quatre ans. Si les trois formations victorieuses célébraient, chacune de son côté, ce résultat, un gouvernement de coalition commun ne fait aucun doute.
Ce que la victoire de Tusk peut changer (...)
« Plus de 70 % de femmes ont participé à ces élections, c’est un point important pour nos partenaires plus conservateurs dans cette coalition [ceux de la Troisième Voie – ndlr] : nous avons voté pour nos droits, c’est évident qu’il va falloir légaliser l’avortement », a fait remarquer lors d’un entretien la députée de KO Barbara Nowacka, défenseure du droit à l’IVG en Pologne, alors qu’en 2021, son accès a été restreint aux cas de viol ou de grossesse menaçant la santé de la femme enceinte. (...)
« C’est un gouvernement qui respectera l’État de droit. Les Polonais en ont eu assez d’être gouvernés par une nomenclature d’incompétents qui se querellent avec ses voisins et les institutions européennes. Et puis la Pologne va revenir dans une politique occidentale de soutien de l’Ukraine », a affirmé de son côté Radoslaw Sikorski, eurodéputé de PO et ancien ministre des affaires étrangères sous Donald Tusk, assurant ne pas convoiter de poste ministériel. (...)
L’échec du référendum sur la politique migratoire
La défaite est cuisante pour le PiS à un autre titre. Le référendum en quatre questions que ses leaders avaient décrété le 15 octobre, censé mobiliser les électeurs et les électrices sur les questions migratoires, aura lui aussi échoué. Seulement 40 % des électeurs et électrices y ont pris part alors que plus de la moitié était requise pour le rendre valable, et ce même si, d’après les sondages sorties d’urnes, ils seraient plus de 90% à avoir dit non à « l’accueil de milliers de migrants illégaux du Moyen-Orient et d’Afrique ».
Nombreux sont celles et ceux qui ont refusé de se saisir du bulletin de vote adéquat, répondant à l’appel de l’opposition. « Les quatre questions sont tendancieuses, elles sont formulées de telle manière qu’on sait très bien la réponse attendue », s’indigne Janek Lasecki, 33 ans, rencontré dimanche à la sortie de son bureau de vote sur la rive droite de Varsovie. (...)
Surtout, le camp démocrate, galvanisé par deux marches gigantesques autour de Donald Tusk le 4 juin et le 1er octobre, a répondu présent devant les urnes. De quoi expliquer un taux de participation de 73 % selon les projections d’Ipsos, du jamais-vu depuis 1989. Les queues devant les bureaux de vote ont même fait patienter électrices et électeurs dans le froid et la nuit bien après minuit. La participation de la diaspora a été elle aussi sans précédent.
Autre surprise de ces élections : le faible score de l’extrême droite incarnée par Konfederacja, encore moins bon qu’en 2019 où le parti était entré pour la première fois au parlement avec 6,81 % des voix. La coalition hétéroclite de libertariens, monarchistes et nationalistes avait pourtant installé deux jeunes dirigeants à sa tête et gommé ses aspects les plus extrêmes pour se concentrer quasi exclusivement sur son programme économique. (...)
Reste que l’opposition n’est pas au bout de ses tourmentes avec le PiS. D’abord parce que la formation du gouvernement risque de n’être pas un long fleuve tranquille et de prendre au moins deux mois. Ensuite, parce que le président de la République, Andrzej Duda, affilié au PiS, pourrait apposer un veto systématique aux lois sortant de la Diète. Un obstacle qui nécessiterait pour être levé une majorité de 276 député·es, hors de portée pour le nouveau pouvoir.
« Ça sera difficile de gouverner mais aussi de rétablir l’État de droit avec un arsenal d’institutions dirigé par des nominés du PiS, explique le politologue Antoni Dudek. Le gouvernement d’opposition sera-t-il assez robuste pour patienter un an et demi jusqu’aux prochaines présidentielles ? »