Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
En Seine-Saint-Denis, la mobilisation pour l’école publique prend de l’ampleur
#ecolepublique #SeineSaintDenis
Article mis en ligne le 10 mars 2024
dernière modification le 9 mars 2024

Une manifestation des personnels de l’éducation du département s’est élancée jeudi vers le ministère de l’éducation, devant ponctuer une mobilisation protéiforme depuis deux semaines. Élèves, enseignants et parents réclament d’une même voix un plan d’urgence.

Jeudi 7 mars, les personnels d’éducation du département ont convergé vers la capitale pour former un cortège bien garni, 4 500 personnes selon les organisateurs. Le point d’orgue d’un mouvement qui essaime depuis la rentrée du 26 février : syndicats et usagers des écoles réclament de concert un plan d’urgence de 358 millions d’euros pour donner un peu d’oxygène à un système éducatif au bord de la rupture, dans le département le plus pauvre de métropole.

Les syndicats se félicitent d’une grève historique, majoritaire jeudi, selon leurs propres relevés : 60 % dans le secondaire et 45 % dans le premier degré. Le rectorat de Créteil annonce quant à lui 22 % de grévistes dans les collèges et lycées et 16 % dans les écoles maternelles et élémentaires. De nombreuses écoles n’ont pas pu assurer les cours et ont dû mettre en place le service minimum. (...)

L’ampleur du mouvement traduit la situation explosive dans le département où les actions en tout genre se sont multipliées. Piquets de grève, opérations « collège mort », assemblées de villes, blocages d’établissements. Le mouvement s’étend, même dans des localités peu habituées à ce type de mobilisations, comme à Dugny, petite commune de 10 000 habitants. (...)

À la grève des personnels d’éducation qui a commencé lundi 26 février, jour de rentrée, parents et élèves ont répondu par une opération « collège désert » en début de semaine pour appuyer leurs revendications. « On a eu 70 % d’absentéisme environ lundi, se félicite Sarah Bouzid, parent d’élève et élue FCPE du collège. Ça en dit beaucoup sur la mobilisation des familles. »

Une dizaine d’adolescent·es chantent et tapent sur des casseroles. Sur leurs pancartes, des slogans dessinés en lettres capitales. « Pas de brevet = pas de lycée : encore faut-il les moyens d’y accéder », peut-on lire sur le carré de carton brandi par Hamza. « Eux, ils croient que dans le 93 il n’y a plus rien, du coup, on est oublié par tout le monde », s’insurge le collégien de 12 ans.

« Eux », c’est le gouvernement, ce sont les gens « de l’autre côté du périph’ ». Le sentiment d’abandon est prégnant, tant pour les jeunes que pour le corps enseignant. Les élèves se bousculent pour exprimer leurs doléances. (...)

À l’abandon généralisé des services publics dans le département, s’ajoute une problématique locale bien identifiée par les habitants de Dugny. Sarah Bouzid la résume par un slogan : « REP et REP +, seul Dugny a manqué le bus. » Contre toute logique, les établissements de la ville – qui compte le plus haut taux de logement social dans le pays (73 %) – ne sont pas inscrits dans le réseau d’éducation prioritaire. C’est pourtant le cas de plus de 60 % des écoles et collèges du département.

« Ça donne le vertige de voir tout cet argent mis dans les JO quand on est coincé dans des écoles pourries ». Un professeur de Dugny (...)

La problématique touche aussi les écoles maternelles et élémentaires de la ville. Mercredi, des personnels du premier degré ont rejoint la mobilisation devant le collège Jean-Baptiste-Clément. « On a des classes à 27, 28 élèves en élémentaire [la moyenne dans le premier degré tourne autour de 21 élèves par classe – ndlr]. On a très peu de remplaçants et souvent des absences », explique le directeur d’un groupe scolaire.

L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) dans le département ajoute au sentiment d’injustice quant à l’abandon de l’école. L’effet JOP va frapper de plein fouet la commune. Le « village médias », qui accueillera des journalistes et techniciens de l’information des quatre coins du monde cet été a été construit sur une partie du parc départemental Georges-Valbon appartenant à Dugny. (...)

Après l’événement, la ville nouvelle sortie de terre sera reconvertie en 1 400 logements et pourrait faire augmenter de plus d’un tiers la population de Dugny. La construction d’un nouveau collège n’est pas prévue. « Ça donne le vertige de voir tout cet argent mis dans les JO quand on est coincé dans des écoles pourries », résume un professeur.
Rats, fuites d’eau, toilettes cassées (...)

Des rats qui courent dans les couloirs, des toilettes cassées en deux ou inutilisables, des fuites d’eau, des moisissures... François Mailloux, professeur de numérique et sciences informatiques et délégué syndical à Sud Éducation, montre du doigt la photo d’un mur délabré et moisi du lycée Condorcet de Montreuil. Il explique souffrir particulièrement des changements de températures dans les salles, qui descendent régulièrement sous les 13 °C en hiver. (...)

L’intersyndicale a d’ores et déjà appelé à cinq nouvelles journées de grève, le 14 et du 19 au 22 mars. La FCPE souhaite de son côté renouveler partout dans le département des opérations « écoles, collèges et lycées déserts ». Elle voit quelques premiers signes de faiblesse dans la communication du gouvernement. La ministre Nicole Belloubet a amorcé jeudi un rétropédalage sur la question des groupes de niveaux, si chère à son prédécesseur et actuel premier ministre, Gabriel Attal.

La veille, à l’Assemblée nationale, la ministre de l’éducation avait affirmé être « favorable à une école plus forte en Seine-Saint-Denis », reconnaissant la « singularité du département ». Sans annoncer pour l’heure de mesure concrète pour répondre à l’appel à l’aide des personnels du département.