
L’oasis bordant le site antique de Palmyre a été décimée par le régime d’Assad et ses alliés. Poumon économique et environnemental au cœur du désert syrien, sa renaissance est indispensable aux habitants.
« Dans ce champ, il y avait 300 oliviers. Ils ont tous disparu » : Mohamed montre un terrain désormais dépourvu de végétation, où quelques palmiers dépérissent sous un soleil de plomb. « C’était la ferme de mon père, héritée de plusieurs générations. Regardez les dattes qui ont brûlé au soleil. Personne n’est venu les récolter. »
Ce qu’il reste de l’oasis de Palmyre est semblable à la plantation du jeune syrien : un champ de ruines. Cette immense palmeraie flamboyante, nichée au cœur du désert, s’étendait sur 400 hectares avant la guerre civile.
Riche de 35 000 palmiers ainsi que de dattiers, d’oliviers, de grenadiers et d’autres arbres fruitiers, l’oasis était depuis des millénaires le lieu d’étape des caravanes de marchands et de chameaux qui sillonnaient les routes de la soie entre la Méditerranée et le golfe Persique, assurant la prospérité de la cité de Palmyre. Les décors floraux sculptés sur les pierres du site antique racontent cette histoire. Mais celle-ci s’est arrêtée en 2011. (...)
« Le régime de Bachar el-Assad et les milices iraniennes ont tout ruiné pour nous empêcher de revenir », explique Mohamed. La ville moderne et son site antique ont été le lieu d’intenses combats entre l’État islamique (Daech) et le régime, allié à des milices iraniennes, aux Russes et au Hezbollah libanais. (...)
Si Daech s’est employé à détruire les ruines antiques à la dynamite à partir de 2015, les forces du régime, qui ont définitivement repris la ville en 2017 des mains de l’organisation terroriste, ont, elles, redoublé de cruauté contre le paradis fertile.
Vol de palmiers en bande organisée (...)
L’ensemble du réseau d’irrigation, qui acheminait l’eau sulfureuse de la source Efqa, a lui aussi été pillé par le régime. Sur la parcelle de Mohamed, les restes d’une installation hydraulique rouillent. Le matériel électrique et les tuyaux ont été volés par les mercenaires, pour être revendus. Privés d’eau, beaucoup d’arbres sont morts. (...)
Urgence à replanter des petits palmiers
L’oasis donnait à l’époque du travail à la majorité des 10 000 habitants de la ville. « La culture de palmiers pour la production de dattes et de sucre à partir de leur jus était une importante source de revenus pour les Palmyréniens », dit le scientifique.
Aujourd’hui, le temps presse pour reconstruire ces vergers. Une urgence non seulement économique, mais aussi environnementale et sociale. « Grâce à leurs racines, les palmiers stabilisent le sol, et les branches réduisent l’évaporation de l’eau, protégeant la zone de la désertification, détaille Ahmed Taha, lui aussi ingénieur agronome, qui coordonne les premiers pas de la restauration de l’oasis. Grâce à sa densité, elle protégeait la ville lors des tempêtes de sable. »
Pour préparer la reconstruction, Ahmed Taha s’enfonce à une trentaine de kilomètres dans le désert — accompagné de forces de sécurité face à la menace des cellules de Daech qui y sont encore actives — pour faire un état des lieux de l’« oasis de Zénobie ». C’est une pépinière où, depuis 2001, 600 arbres étaient cultivés pour être ensuite plantés dans la palmeraie. Laissés à l’abandon pendant la guerre, sans irrigation, beaucoup ont péri. (...)
À la pépinière, les tuyaux encore existants qui l’acheminent sont dispersés. Ici, personne n’est encore venu remettre en état quoi que ce soit.
L’un d’eux arrose inutilement 3 m2 de terre où plus rien ne pousse. Alors, l’ingénieur Ahmed Taha et son équipe le déplacent pour l’orienter vers les arbres qui tiennent encore debout. Un geste infime, en attendant de grands travaux plus que nécessaires. (...)
L’association de Mohammad, la Maison de Palmyre, s’emploie aussi à récolter de l’argent pour renouveler les équipements de l’hôpital de la ville moderne. Car l’oasis, bien que déminée, ne suffit pas à faire revenir les familles palmyréniennes.
Se loger, se soigner, s’éclairer et se nourrir restent les priorités. Jusqu’à la chute du régime, les habitants qui voulaient rentrer chez eux et se réinstaller en ville devaient payer une taxe. Certaines maisons étaient impossibles d’accès, car occupées par des milices chiites iraniennes ; d’autres ont été rendues inhabitables par les bombardements. (...)
Difficile d’imaginer que sur ce terrain vague à la terre aride, où gît une carcasse de voiture rouillée, les Palmyréniens allaient autrefois acheter de quoi fleurir leur jardin. La nature a elle aussi disparu de la ville.