
(...) Le cabinet Louis Reynaud contacte donc des étudiant.e.s qui s’occupent d’organiser des distributions alimentaires pour leurs camarades en situation de précarité, et leur propose la chose suivante :
« Madame, Monsieur,
Je me permets de vous contacter afin de vous proposer une initiative qui pourrait être bénéfique pour votre association tout en contribuant à un projet innovant.
Nous recherchons actuellement des volontaires pour participer à un test simple et rapide. Celui-ci consiste à s’inscrire sur une plateforme, puis à enregistrer une série de courtes vidéos du visage sous différents angles.
En contrepartie, nous proposons de reverser un don de 15 € par participant ayant validé le test.
Par exemple, pour 50 participants, votre association recevra un don de 750 €.
Nous espérons que cette collaboration pourrait constituer une ressource financière supplémentaire pour soutenir vos activités et projets.«
La dernière fois qu’un projet aussi puant avait vu le jour c’était l’application « Tadata » qui faisait de la prostitution son Business Model (application depuis heureusement disparue) et qui déjà proposait à des jeunes gens de vendre leurs données personnelles.
Là nous avons donc un cabinet de conseil, le cabinet Louis Reynaud, situé à Marseille, qui contacte une association de lutte contre la précarité étudiante pour lui proposer de récupérer, contre rétribution, les données biométriques de ses adhérents et bénéficiaires.
Si vous êtes lecteur ou lectrice de ce blog, je ne vais pas vous expliquer en quoi ce genre de données biométriques sont plus que hautement sensibles. Ni en quoi le fait de cibler explicitement des populations déjà pauvres ou précaires est, en termes éthiques, un comportement d’authentique salopard. Je ne vais pas non plus vous faire l’affront de vous dire que les 15 euros promis ne sont rien en comparaison de la valeur marchande réelle de telles données sur des marchés où d’autres authentiques salopards s’affrontent pour les acquérir à des fins (au mieux) de surveillance. (...)
il faut donc impérativement que ces processus de collecte soient détachés de toute considération commerciale et de rétribution financière. Ou alors on y va carrément, on propose aussi aux gens de vendre leurs reins contre un repas chaud. (...)
Le procédé de double dégueulasserie qui vise à traquer biométriquement les populations déjà les plus précaires est largement documenté. Ces populations sont ciblées parce qu’elles sont aussi les plus surveillées, et elles sont les plus surveillées parce qu’elles sont toujours considérées a priori comme les plus suspectes dans une alarmante et galopante course à l’automatisation des inégalités. Par parenthèse, si l’on avait mis, depuis des décennies, autant de détermination à traquer l’évasion fiscale et la délinquance en col blanc que l’on en met pour traquer des chômeurs et les allocataires de la CAF, on aurait depuis longtemps comblé le trou de la sécu, la dette publique et la vacuité complice et coupable des politiques libérales.
Ce sont donc cette fois-ci des étudiantes et des étudiants en situation de précarité que le cabinet Louis Reynaud cible pour une poignée d’euros contre des données biométriques dont ils ne mesurent pas tous les enjeux et toute l’importance. Je rappelle accessoirement au cabinet Louis Reynaud (et aux autres qui seraient tentés d’en faire autant) que parmi les bénéficiaires de ces distributions alimentaires, à La Roche sur Yon comme sur l’ensemble des campus universitaires qui en organisent (c’est à dire malheureusement presque tous), il peut aussi se trouver des étudiant.e.s avec des statuts administratifs de réfugiés ou en attente de régularisation, et qui tout comme leurs camarades ont bien plus que du mal à boucler leurs fins de mois. Il faut imaginer, pour elles et pour eux, ce que ce genre de « partenariat » pourrait occasionner comme risque majeur et comme mise en danger.
15 euros ton visage. Et demain quoi ? 30 euros ton cul et 40 euros ton rein ?
Quinze euros c’est souvent ce qu’il reste aux étudiantes et aux étudiants pour tenir un mois entier une fois qu’ils ont payé leur loyer et leurs charges, et renoncé à faire deux repas par jour et à se soigner. Alors en effet, dans ces situations là, se voir proposer 15 euros pour vendre ses données biométriques, cela peut-être tentant. Une tentation qui augment la pure saloperie d’avoir simplement l’idée de leur proposer cela. (...)
A côté du cabinet Louis Reynaud on trouve bien d’autres grands noms et d’autres pratiques aussi cyniques que condamnables. Au premier rang desquels Sam Altman (le fondateur d’OpenAI et de ChatGPT) qui a érigé en principe la chasse aux corps des plus pauvres à des fins d’exploitation biométrique, et est à la recherche d’iris (les reins et les poumons viendront plus tard) via une entité nommée « Tools for Humanity » (sic) autour sa crypto-monnaie Worldcoin, et qui pour ce faire a notamment ciblé le dystopique et dangereux débile qui préside actuellement l’argentine, Xavier Milei.
Notez que Sam Altman est plus généreux que le cabinet Louis Reynaud parce que ce n’est pas 15 euros mais plus de 60 euros qui sont proposés et que près de cinq millions de personnes (dont un million d’argentins) ont malheureusement accepté pour atténuer un peu leur misère. (...)
j’invite chaudement la CNIL et l’ANSSI à se saisir de ces éléments pour faire le nécessaire. (...)