
Pour sauver sa « sœur », la poète gazaouie Alaa al-Qatraoui, notre chroniqueur Mathieu Yon entre en grève. Il se tiendra devant le ministère des Affaires étrangères et ne regagnera son champ que lorsqu’il aura obtenu gain de cause.
« Dans mon métier, la grève est hors de prix », écrivait le paysan syndicaliste Bernard Lambert. Pour faire grève, un paysan doit attendre la fin des récoltes, des moissons, ou bien compter sur un élan de solidarité. Je suis maraîcher diversifié, et la fin des récoltes n’arrive jamais, même en hiver. Je vais devoir compter sur la solidarité.
Un groupe d’amis et de voisins est venu au champ cet après-midi. Et quelque chose d’inattendu s’est passé. J’avais pris la grêle quelques jours plus tôt, sans mesurer l’ampleur des dégâts. En faisant le tour du champ pour indiquer les choses à faire pendant mon absence : j’ai vu les feuilles des blettes déchiquetées, les fruits des courges pleins d’impacts, les plants de courgettes ravagés… et je me suis senti terriblement seul.
J’ai essayé de faire bonne figure, car après tout, ces personnes étaient là pour m’aider, ou plutôt, pour me permettre de faire grève. Mais quand elles sont parties, que je suis rentré chez moi, j’ai eu envie de pleurer. La condition paysanne n’est pas difficile, elle est impossible.
Une grève pas comme les autres
Ma grève ne sera pas une grève comme les autres : elle n’exigera pas du gouvernement des prix planchers ou un revenu décent. Elle n’évoquera pas mes conditions de travail pénibles ou ma protection sociale dérisoire. À Paris, face au ministère des Affaires étrangères, je m’assiérai chaque jour sur un banc ou à même le sol, du matin au soir et par tous les temps, avec un message simple écrit sur un morceau de carton : « Monsieur le ministre, évacuez ma sœur de Gaza. »
Il y a plusieurs mois, j’ai lu un recueil de poètes gazaouis. Et j’ai été bouleversé, comme si les mots m’avaient appelé dans la nuit de Gaza. Ces mots avaient un visage, et ce visage avait un nom : Alaa. Elle et moi, nous avons tissé des liens puissants, inimaginables. (...)
« Aucun calcul ne saurait justifier qu’une vie humaine ne soit pas sauvée des décombres » (...)
L’État français a les moyens de sauver une vie et même plusieurs, par l’intermédiaire du programme Pause qui soutient les chercheurs et artistes contraints à l’exil, des visas étudiants…
Contrairement aux apparences, le gel de l’accueil des Gazaouis depuis le 1ᵉʳ août 2025 n’est pas le signe d’une protection des Français : mais celui d’un effondrement moral, terriblement silencieux. (...)
Un banc pour Gaza
« Nous embrassons le bois jusqu’à ce que les racines repoussent »
Poète arabe, mort en 708.
Le mercredi 24 septembre, le Collectif de Dieulefit pour l’accueil d’Alaa organise une conférence de presse devant le ministère des Affaires étrangères à Paris, afin de protester contre l’injuste décision politique de suspendre l’accueil des Gazaouis.
À l’issue de cette conférence, je me tiendrai chaque jour et par tous les temps de 9 heures à 19 heures, sur un banc public situé entre le ministère des Affaires étrangères et l’Assemblée nationale, sur le quai d’Orsay, avec une demande simple et interminable : la reprise de l’accueil. (...)
Lire aussi :
– (Politis)
« Le ministre des Affaires étrangères empêche des Palestiniens de sortir de la bande de Gaza »
Pour contester la suspension des évacuations vers la France, les avocats de Palestiniens bloqués à Gaza, soutenus par des associations, ont décidé de saisir en urgence le Conseil d’État . Interview de Lyne Haigar, l’une des avocates ayant travaillé sur le recours.
Le 1er août, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot annonçait la suspension des évacuations depuis la bande de Gaza, après une polémique nourrie par l’extrême droite sur une étudiante palestinienne qui aurait relayé des propos antisémites.
Dans un communiqué publié la semaine dernière, les associations requérantes (Nidal, l’UJFP, le SAF et le Gisti) annonçaient avoir saisi le Conseil d’État pour condamner « l’interdiction générale et absolue » du ministre qui « condamne au désespoir des dizaines de personnes qui devraient être sauvées ». Dans cette interview, Lyne Haigar dénonce les effets dramatiques de ce qui s’apparente à une « punition collective ». (...)
Amnesty International
Pétition Génocide à Gaza : la France doit mettre fin à l’impunité d’Israël