Trafics, blanchiment et règlements de comptes meurtriers illustrent les liens tissés entre les milieux mafieux et l’extrême droite, devenue l’indispensable alliée du président turc.
(...) Depuis cette alliance, le signe des loups gris fait florès lors des cérémonies de remise de diplôme des écoles de police. Il se fait en joignant trois doigts, avec l’index et l’auriculaire dressés en l’air pour dessiner un loup, animal totem de l’extrême droite turque et surnom de ses groupes paramilitaires des années 1970. Le serment prononcé par les forces spéciales de l’armée comme de la police n’est autre, d’ailleurs, que le serment dit « des idéalistes », ainsi que s’appellent les fascistes turcs.
En dépit de certaines tensions et désaccords, Devlet Bahçeli semble déterminé à suivre Erdoğan dans sa dérive autoritaire. Un autoritarisme qui s’accompagne d’une autre dérive, de nature mafieuse. L’alliance du sabre fasciste et du goupillon islamiste a en effet réactivé un triptyque vénéneux reliant extrême droite, crime organisé et services de sécurité, qui avait déjà marqué la Turquie des années 1990. Une série d’affaires l’illustre.
Des mafieux « amis » sortis de prison (...)
Trafic de cocaïne
La collusion entre l’extrême droite et les milieux mafieux se retrouve dans le trafic de drogue. Si le transit de l’héroïne de l’Afghanistan vers l’Europe remplissait les poches des « idéalistes » dans les années 1990, c’est la cocaïne qui est leur nouvel eldorado.
En provenance d’Amérique du Sud, la drogue acquise par ces groupes transite par cargo vers l’Europe, où elle est lâchée en pleine mer Méditerranée et récupérée par d’autres, ou alors directement importée en Turquie, notamment via le port de Mersin, où elle est ensuite distribuée vers la Russie ou vers les pays du Golfe et Israël, où elle se vend aux prix les plus élevés du marché mondial.
Signe d’impunité, ces liens occultes s’affichent parfois au grand jour, notamment dans une série de vidéos (...)
Règlements de comptes meurtriers
L’état de santé de Devlet Bahçeli, hospitalisé et absent pendant plusieurs mois de la scène publique au début de l’année, est par ailleurs générateur de tensions au sein du parti, en vue de son éventuelle succession. Ces derniers mois, la compétition pour le pouvoir a débouché sur plusieurs altercations physiques et même sur des blessés par armes à feu. C’est ce que rapporte un journaliste turc en exil, fin connaisseur du milieu, qui précise que chaque camp se reposerait, pour ses actions coup de poing, sur l’aide de différents clans mafieux. (...)
Blanchiment d’argent dans le nord de Chypre
Le pacte faustien forgé entre l’AKP d’Erdoğan et le MHP, en dépit de la proximité revendiquée de ce dernier avec le crime organisé, intervient dans un contexte où les affaires de corruption touchant des proches du pouvoir se multiplient.
Le pays est devenu une plaque tournante du blanchiment de l’argent sale des criminels turcs mais aussi étrangers (...)
La Turquie dans le top 10 du crime organisé
Le Global Organized Crime Index est un organisme international financé par les États-Unis et l’Union européenne, chargé de mesurer l’emprise de la criminalité organisée dans le monde. Dans son rapport 2025, il plaçait la Turquie au 10e rang sur les 193 pays étudiés (la France occupe le 56e rang). Le rapport pointe notamment la passivité et la complicité des autorités concernant le trafic de drogue ou d’êtres humains. Il met également en garde contre le blanchiment d’argent, « qui implique probablement des individus insérés dans l’appareil étatique ».
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