Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Face à l’extrême droite, le combat ou l’abîme
#electionseuropeennes #dissolution #electionslegislatives #extremedroite #gauche
Article mis en ligne le 13 juin 2024
dernière modification le 12 juin 2024

Dans une configuration politique inédite, l’extrême droite est aux portes du pouvoir en France. Seul un front commun des gauches sociales et écologistes, que les partis ont commencé à esquisser lundi soir, est à même d’écarter la menace du RN aux législatives. Il revient à la société civile de se mobiliser pour s’assurer que les divergences ne prendront pas le dessus.

En décidant de dissoudre l’Assemblée nationale, et en appelant dans la foulée les Français·es aux urnes les 30 juin et 7 juillet, Emmanuel Macron fait le choix de la terre brûlée, après avoir créé les conditions de la catastrophe. Depuis qu’il a été élu président, en 2017, sa stratégie, non seulement perdante électoralement, mais surtout démocratiquement mortifère, a consisté à faire du Rassemblement national (RN) son meilleur ennemi, le légitimant et l’installant comme la seule alternative politique en France. (...)

dans une inconscience synonyme de faute politique et morale, il fait prendre à la France le risque du RN au pouvoir, et de ses périls : atteintes aux libertés et droits fondamentaux, mise au pas de la justice et de la presse, brutalisation du corps social, fragilisation des plus précaires, exclusion des étrangers et étrangères, stigmatisation des personnes racisées, régression des droits des femmes et des minorités, déni de l’ampleur du dérèglement climatique...
L’irresponsabilité du pouvoir

Lors de la dernière élection présidentielle, Mediapart avait fait l’inventaire des premières mesures qui ne manqueraient pas d’être votées en cas d’accession du RN aux affaires (lire ici) : dans toute leur violence, elles montrent, derrière la longue tentative de « dédiabolisation », le vrai visage de ce parti fondé en 1972 par des néofascistes et d’anciens collabos et membres de la Waffen-SS, celui d’une famille politique antidémocratique dont l’inégalité naturelle, c’est-à-dire le privilège de naissance, est le credo, en rupture totale avec la Constitution, qui pose l’égalité de toutes et tous devant la loi sans distinction d’origine, de condition, de croyance, d’appartenance, de sexe ou de genre. (...)

le chef de l’État est l’une des données cardinales du désastre actuel. Lorsqu’il a soutenu, coup sur coup, un projet de loi sur (contre) l’immigration promouvant la préférence nationale et une réforme du droit du sol à Mayotte, Emmanuel Macron a achevé de transformer le macronisme en un lepénisme. À force de reprendre ses formules et ses idées, les digues ont sauté. (...)

Une alliance des gauches impérative

Pour faire dérailler ce sinistre scénario, que peuvent les gauches ? tout ! Compte tenu de la stabilité de leurs scores aux derniers scrutins (légèrement supérieurs à 30 % des suffrages exprimés aux européennes de 2024 et 2019 et à la présidentielle de 2022), elles détiennent l’occasion historique d’empêcher le pire d’advenir.

Sans ambiguïté, des voix pour l’unité se sont fait entendre, dès le soir des résultats. Dans la rue, déjà, où des centaines de jeunes ont manifesté dans plusieurs villes de France. Lorsqu’ils ont annoncé, lundi soir, être parvenus à un accord de principe « pour faire front populaire », les chef·fes de parti des gauches et des écologistes ont été accueillis par les cris de la foule rassemblée à la sortie de leur réunion. L’appel à l’union résonne puissamment.

C’est aussi le sens d’une tribune publiée dans Le Monde signée par plus de 350 personnalités de la société civile, parmi lesquelles Julia Cagé, Ludivine Bantigny, Esther Duflo, Annie Ernaux, Didier Fassin, François Héran et Dominique Sopo. (...)

Dans le milieu associatif, des réunions ont lieu depuis dimanche soir. Des personnes de bonne volonté tentent d’organiser des discussions. Plusieurs organisations syndicales, malgré leur attachement à la charte d’Amiens, ont choisi de mener la bataille frontale contre l’extrême droite. La CFDT, la CGT, l’Unsa, la FSU et Solidaires ont appelé lundi à « manifester le plus largement possible ce week-end pour porter la nécessité d’alternatives de progrès pour le monde du travail ».

Il est urgent que le mouvement s’amplifie et prenne forme, sous l’impulsion d’une vaste mobilisation syndicale, associative et citoyenne. Il nous appartient à toutes et tous. Chacun·e à sa place, chacun·e dans son registre. Ce combat est aussi le nôtre, comme journal, engagé depuis ses débuts contre les inégalités, les discriminations et l’injustice sociale.
Surmonter les trahisons et les désaccords

Ne laissons pas les appareils politiques accaparer l’enjeu démocratique auquel nous faisons face. Plaçons-les devant leur responsabilité historique, de LFI au PS, en passant par les Verts et le PCF. En reprenant les mesures de la Nupes ou en s’accordant sur un socle commun (reconstruction des services publics, abrogation de la réforme des retraites, augmentation du pouvoir d’achat, taxation des superprofits, bifurcation écologique, lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, etc.), les gauches ont entre leurs mains la possibilité de stopper l’ascension du RN et de prendre Emmanuel Macron à son propre piège.

À une condition : qu’elles renoncent à leurs dissensions et partent unies aux élections. Le temps n’est plus aux querelles incessantes et aux entêtements narcissiques. (...)

l’heure n’est pas à la dispute. En ces temps sombres, ne laissons pas la petite musique vallsiste des « gauches irréconciliables » se faire entendre, et refusons le mensonge macroniste qui cherche à opposer, à gauche, les tenants d’un « arc républicain » au camp des « extrêmes ». Réfutons la narration, également macroniste, des « progressistes » opposés aux « populistes ».

Il n’est plus temps ni de se lamenter ni de tergiverser. Sans appel fort des organisations syndicales et des défenseurs des libertés publiques, et sans mouvement de fond des électeurs et électrices attaché·es aux valeurs progressistes et humanistes, c’est un régime remettant brutalement en cause les valeurs émancipatrices d’égalité des droits et de solidarité, contraire à ce qui constitue la France depuis la Révolution française, qui présidera aux destinées de notre pays. Nous refusons toujours de nous y résoudre.