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Mediapart
Front populaire : les gauches réveillent le mythe de 1936
#electionslegislatives #gauches #frontpopulaire
Article mis en ligne le 14 juin 2024
dernière modification le 13 juin 2024

Les gauches sont en quête d’un nouveau format d’union pour affronter les échéances législatives du 30 juin et du 7 juillet. En dépit de nombreuses différences, l’implication de la société civile sous-tend la référence au Front populaire de 1936, devenue désuète au début du siècle.

« Front populaire » : l’expression a été lâchée par le député de La France insoumise (LFI) François Ruffin dès dimanche soir, à l’annonce de la dissolution. Elle a été reprise dans un communiqué de la Confédération générale du travail (CGT), même si cela n’a pas été le cas de l’intersyndicale réunie lundi soir. Sur les réseaux sociaux, des citoyennes et citoyens de gauche ont massivement partagé un visuel avec ces mots sur un fond rouge pastel. Avant que les partis de gauche ne s’y reconnaissent, en souhaitant construire « un nouveau front populaire ». (...)

Le vocable fait référence à une dynamique unitaire des gauches autant qu’à un processus de mobilisation sociale entamé en 1934, à la suite de la journée du 6 février, lorsqu’une émeute dominée par des ligues d’extrême droite avait eu raison d’un gouvernement investi par l’Assemblée nationale. L’épisode avait culminé en 1936 avec une victoire électorale et la formation d’un gouvernement par le socialiste Léon Blum – une première en France –, puis l’obtention de nombreuses conquêtes sociales consécutives à des grèves massives.

Le Front populaire s’est clos en 1938, en raison du revirement durable vers la droite des radicaux, composante la plus modérée de la coalition. Politiquement, il s’est agi « du seul moment d’affrontement bipolaire de la décennie », nous expliquait récemment l’historien Renaud Meltz. Les craintes des classes moyennes, exacerbées par la presse bourgeoise de l’époque, ont fini par désarticuler une alliance soutenue à ses débuts par les communistes. (...)

« Après le 21 avril 2002 et dans les années suivantes, la menace d’un retour de l’extrême droite au pouvoir a réactivé les réflexes et les espoirs dans une alliance antifasciste », estime Jean Vigreux, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne. (...)

L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a quitté le terrain de l’allusion pour se faire plus directe : « Front populaire, 1936 : alliance républicaine contre l’antisémitisme. Front populaire, 2024 : alliance honteuse avec l’antisémitisme. »

L’attaque, qui s’adosse aux ambiguïtés de Jean-Luc Mélenchon en la matière, les généralise à tout un mouvement dont les député·es ont pourtant largement travaillé et convergé avec les autres élu·es de gauche pendant deux ans. Et dont les responsables privilégient justement l’union pour résister à une extrême droite dont l’agenda identitariste et autoritaire est explicite.

L’arrière-petit-fils de Léon Blum, Antoine Malamoud, a d’ailleurs réagi en ce sens sur le Club de Mediapart : « La persistance de l’antisémitisme est, depuis de nombreuses années, minimisée au sein de la plupart des forces de gauche. [Mais] c’est au cœur de la pensée de l’extrême droite que l’antisémitisme est structurellement présent, quel qu’en soit son camouflage, il est le support de toute l’orientation de la préférence nationale, il est au cœur de l’idéologie identitaire. »

L’implication de la société civile

Les différences abondent entre le Front populaire de 1936 et la nouvelle forme que les gauches contemporaines tentent d’édifier. Les acteurs ont bien sûr changé, avec l’effacement des radicaux, la marginalisation du poids des communistes et l’irruption des écologistes et des Insoumis dans l’équation. Et l’implantation de la gauche est bien plus faible dans les milieux... populaires.

La temporalité, ensuite, n’est pas la même (...)

au regard du poids de l’extrême droite et du niveau de la gauche, seules des candidatures unitaires, comme il y a deux ans, sont susceptibles de sauver une existence significative des gauches à l’Assemblée nationale. C’est d’ailleurs ce qui rend coûteux, sur le plan identitaire, la constitution d’un accord. Celui-ci limite la possibilité, pour les forces concernées, de faire valoir leurs spécificités sur le terrain et de régler la question des rapports de force à l’aide des urnes. (...) (...)