Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le Devoir
« Gaza écrit Gaza » : des histoires du passé pour saisir le présent
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza
Article mis en ligne le 4 juin 2025
dernière modification le 3 juin 2025

Dans Gaza écrit Gaza, quinze jeunes Palestiniens racontent leur attachement à la terre, leur résilience et leurs espoirs. Mais aussi la destruction de leur maison, les corps ensevelis sous les décombres et le profond sentiment d’injustice qui les transperce, jour après jour. Des récits qui auraient pu avoir été rédigés dans la dernière année et demie. Et pourtant, ils ont été écrits dans la foulée de l’opération Plomb durci lancée par l’armée israélienne à la fin de 2008.

« C’est ça la puissance de ces textes : ils nous rappellent que nous ne sommes pas face à un moment ponctuel ou exceptionnel, […] que l’histoire n’a pas commencé le 7 octobre 2023 », souligne Yara El-Ghadban, autrice montréalaise d’origine palestinienne ayant dirigé la traduction de Gaza écrit Gaza chez Mémoire d’encrier. (...)

Refaat Alareer — tué, avec plusieurs membres de sa famille, le 6 décembre 2023 par une frappe israélienne — avait aussi fait le pari de demander à ses jeunes protégés, dont plusieurs étaient ses étudiants, d’écrire leurs textes directement en anglais pour rejoindre un plus large auditoire.

Un livre de solidarité

Pour « prolonger l’héritage » de l’homme de 44 ans, une édition commémorative de ce livre-testament, intitulé en anglais Gaza Writes Back, a été publiée en 2024. La maison d’édition Just World Books s’est du même souffle tourné vers Mémoire d’encrier pour assurer la traduction et la publication en français de l’ouvrage. (...)

« Mon réflexe au départ, comme Palestinienne, a été de vouloir le faire moi-même, comme si j’avais une dette, une responsabilité, raconte Yara El-Ghadban. Mais Rodney [Saint-Éloi, fondateur de Mémoire d’encrier] m’a dit non, ce n’est pas à toi de le faire seule. Ce qui se passe en Palestine ne concerne pas que les Palestiniens, ça concerne toute l’humanité et il faut que ce soit un livre de solidarité. »

Une invitation a ainsi été lancée à une trentaine d’écrivaines et écrivains de la francophonie — parmi lesquels se trouvent Joséphine Bacon, Kev Lambert et Anaïs Barbeau-Lavalette — pour traduire ces récits. « La réponse a été incroyable, à l’intérieur de 15 minutes, nous avions presque trouvé tous nos traducteurs. »
Séjour en Palestine

L’autrice s’est aussi naturellement tournée vers le dramaturge acadien Gabriel Robichaud, qu’elle avait préalablement invité à participer à des rendez-vous littéraires en Palestine au sein d’une délégation d’écrivains canadiens. « Il y a exactement deux ans, on était à Ramallah », se souvient-il.

Un périple qui les avait aussi menés à Nazareth, Bethléem, Jérusalem et Jéricho. « Ça a été une semaine qui a vraiment été marquante à bien des égards, où j’ai appris et désappris beaucoup de choses », mentionne celui qui est également poète et comédien.

Au fil des rencontres, Gabriel Robichaud s’est pris à raconter l’histoire des Acadiens, marquée par la déportation de 1755. « Il y a un auteur à Nazareth qui m’a dit : es-tu Palestinien ? Ça me remue encore d’en parler aujourd’hui… Je n’aurais pas fait ce parallèle-là », dit-il, en ajoutant qu’il demeure néanmoins « troublé » par cette « reconnaissance » et par certaines similitudes entre l’histoire des deux peuples.

Participer à Gaza écrit Gaza s’inscrit en continuité avec ce voyage. (...)

Il suffit de lire, à la fin du livre, les témoignages laissés par les étudiants à leur professeur décédé pour saisir à quel point cet homme « qui incarnait l’âme d’un peuple » a été déterminant dans leur vie. « Et ça, c’est la plus belle des deux histoires », souffle Yara El-Ghadban.