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Grillons et tour à champignons : ils vivent en autonomie dans un studio parisien
#alternatives
Article mis en ligne le 25 août 2024
dernière modification le 21 août 2024

Vivre le plus sobrement possible grâce à des low-tech ? Corentin de Chatelperron et Caroline Pultz ont l’habitude. Cette fois, ils ont installé plantes, tour à champignons et élevage de grillons dans un studio des Hauts-de-Seine.

(...) À deux pas de la Seine, l’ingénieur Corentin de Chatelperron et la designeuse Caroline Pultz ont décidé d’implanter leur dernière « biosphère low-tech ». Entendez : un habitat truffé d’innovations utiles, durables et accessibles, permettant de « bien vivre » tout en respectant les limites planétaires. (...)

Au printemps 2023, le couple d’explorateurs avait passé quatre mois dans le désert mexicain, dans un îlot de bois et de jute. Cette fois, ils ont choisi de réitérer l’expérience en zone urbaine, où presque sept personnes sur dix devraient vivre d’ici le mitan du siècle, selon les projections de la Banque mondiale. L’expérience, lancée officiellement le 15 juillet, durera jusqu’à la mi-novembre. Ils sont suivis par des médecins, des ergonomes et des psychologues, qui évalueront les effets de ce mode de vie sur leur santé. (...)

L’idée : montrer à quoi pourrait ressembler la vie en ville, en 2040, en émettant moins de 2 tonnes d’équivalent CO2 par personne et par an. Soit l’objectif permettant, selon les scientifiques, de limiter le réchauffement de la planète à +1,5 °C d’ici 2100. (...)

L’appartement – mis à disposition par la mairie – a des airs d’écosystème miniature, chacun de ses éléments servant au bon fonctionnement des autres. (...)

Pour le reste de leurs calories, les deux inventeurs se fournissent dans une épicerie participative du réseau des Épis. En échange de deux heures de travail mensuel, ils peuvent se fournir à prix réduit en produits secs, bio et locaux. Ils se rendent également dans une ferme des Loges-en-Josas, à une vingtaine de kilomètres.

La ferme leur procure des fruits et légumes en échange d’une demi-journée de maraîchage par semaine… et de quelques larves de mouches soldat noires. Son statut d’éleveur de larves — elles dévorent, dans leur biosphère, le contenu des toilettes sèches — a fait de Corentin de Chatelperron une star chez les gallinacés. « Maintenant, elles me reconnaissent. Elles sont devenues addicts, rit-il. Je suis le dealer des poules. » (...)

En tout, le couple collabore avec une quinzaine de voisins, chacun impliqué dans la bonne marche des différents « maillons » de leur écosystème. Dans le reste de la France, 1 200 volontaires vont également essayer de reproduire chez eux des « briques » de la biosphère. (...)

En 2040, espère Caroline Pultz, « chacun se spécialisera dans une low-tech. Ça permet de se partager les tâches, et de rendre les choses fun ». Un microbiologiste et deux familles boulonnaises se chargent ainsi de leur procurer des substrats de champignon ; des habitants du quartier les fournissent en jeunes grillons ; d’autres préparent des produits lactofermentés avec les surplus de récolte. Autant de manières de créer du lien social, et réhumaniser la ville.

« Quitte à vivre dans une des zones les plus denses du monde, autant ne pas avoir un mode de vie individualiste », pense Corentin de Chatelperron. (...)

Même internet a sa version low-tech

Cette envie de mettre la low-tech au service de la vie en communauté se retrouve dans leur approche du numérique. Les deux inventeurs se sont inspirés des « intranets » qu’ils ont vu à Cuba lors de leur « tour du monde des low-tech » en catamaran. Une borne wifi spécialement conçue par des étudiants ingénieurs sera prochainement installée au milieu de leur carré d’immeubles.

« Tous ceux qui ont des fenêtres pourront capter le signal, explique Corentin de Chatelperron. Il y aura un service de messagerie pour que les gens puissent se rendre des services, s’échanger des outils… Et ils pourront aussi regarder les documentaires et les films que l’on mettra dessus. Ce sera une sorte de Netflix low-tech. » (...)

Dans sa chambre, le couple a installé un petit vidéoprojecteur. « On s’est dit qu’il fallait quand même que ce mode de vie soit attirant, qu’il permette d’avoir accès à la culture. »

Le duo d’explorateurs ne prévoit pas pour autant de laisser sa consommation d’énergie s’envoler. Dans la « biosphère », on cuisine sobrement, notamment grâce à une marmite norvégienne. Dans la cour, un biodigesteur alimenté par leurs déchets organiques produit, « dans les meilleures conditions », assez de gaz pour cuire pendant une à deux heures. Son lancement a été plus compliqué que prévu : « Normalement, il faut mettre de la bouse de vache pour le faire démarrer. Mais ici, c’est un peu compliqué d’en trouver. On a dû trouver un poney club au coin de la rue », se souvient en riant Corentin de Chatelperron. (...)

Au sous-sol, une « salle de fitness utile » est en cours de construction. Elle permettra aux habitants du bloc de concilier séances de sport et tâches ménagères. « C’est un club privé », rit l’ingénieur. On y trouve déjà un rameur-machine à laver le linge et, bientôt, un appareil de musculation permettant de travailler ses biscotos tout en pétrissant de la pâte. (...)

Pour tout le reste, les deux inventeurs disposent d’une batterie, alimentée par leurs deux panneaux photovoltaïques de 2 m2 – l’appartement étant coupé du réseau électrique classique. Des voyants vert, orange et rouge les alertent sur la quantité d’énergie dont ils disposent, et que le soleil peut encore fournir. (...)

ils ne consomment que 33 litres d’eau par jour à deux, soit dix fois moins que la moyenne nationale. La « maintenance » de la biosphère ne leur prend qu’une quinzaine de minutes par jour, qu’ils accordent avec plaisir. (...)