
La guerre déclarée à l’Iran par Benyamin Nétanyahou a tout changé pour la diplomatie française. La conférence de New York a été reportée et la reconnaissance de l’État de Palestine paraît loin. Paris est revenu au premier rang des soutiens à Israël.
Un changement de programme à forte valeur symbolique. La fin de journée d’Emmanuel Macron, vendredi 13 juin, devait être consacrée à un discours sur la Palestine, la paix au Proche-Orient et la solution à deux États. La prise de parole a finalement été annulée pour être remplacée par une conférence de presse consacrée à la situation au Moyen-Orient, après les frappes de l’armée israélienne en Iran, la nuit précédente. (...)
Avant même que les journalistes ne posent la première question, le président de la République s’est voulu clair et solennel : « Israël a le droit, comme chaque peuple, de vivre délivré de l’angoisse de l’anéantissement et du risque. » Ce jour-là comme les suivants, la France a réservé ses mots les plus durs à Téhéran, « qui porte une lourde responsabilité dans la déstabilisation de la région » à cause de « l’accélération [de son] programme nucléaire et balistique ».
C’est au cours de la même conférence de presse qu’Emmanuel Macron a officialisé le report de la conférence sur la reconnaissance de l’État de Palestine qu’il devait coprésider, du 18 au 20 juin, à New York (États-Unis), avec le prince héritier d’Arabie saoudite. « Quel sens aurait une telle conférence si tous les dirigeants de la région sont tenus chez eux, pour des raisons évidentes ? », a argué le chef de l’État. (...)
Écartée, au moins provisoirement, la perspective d’une reconnaissance par la France de l’État de Palestine. Oubliée, le temps d’un coup de fil de retrouvailles, la brouille de deux mois entre Emmanuel Macron et Benyamin Nétanyahou. L’heure est à reconsidérer les positions, au vu de « l’étape nouvelle » que le président de la République a décrite le 13 juin.
« Rupture politique »
La nouvelle doctrine de Paris ressemble à une épreuve de contorsionnisme diplomatique. Dans le même propos, le chef de l’État a assuré que la France se tenait prête à « participer aux opérations de protection et de défense d’Israël », tout en réaffirmant son opposition au « blocus humanitaire injustifiable » que l’État hébreu inflige à la population de Gaza et son refus de « participer à quelque opération offensive que ce soit ». (...)
Le géographe Bernard Hourcade, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste de l’Iran, pointe quant à lui une « rupture politique importante » et « tout à fait surprenante ». « Le président Macron est le premier président de l’histoire de France à soutenir un pays agresseur de la sorte, dénonce le chercheur. Ce n’est pas du tout la tradition diplomatique du Quai d’Orsay, c’est l’alignement avec une posture néoconservatrice des années 2000. »
Les précautions oratoires d’Emmanuel Macron, qui devrait réitérer au sommet du G7 (de lundi à mercredi au Canada) ses exhortations « à la retenue », peinent à masquer l’alignement de la France sur la position israélienne, alarmiste quant au danger que représente le programme nucléaire iranien. Décidées sans même avertir la France, les frappes israéliennes ont reçu une sorte de satisfecit du chef de l’État, qui a salué « des effets qui vont dans le sens recherché ». (...)
Au nom du caractère « grave » et « existentiel » de la « question du nucléaire iranien » – dixit Emmanuel Macron –, la France considère donc que l’urgence n’est pas à dénoncer la méthode employée par le gouvernement Nétanyahou. Une posture fustigée à gauche, où l’on appelle l’exécutif à « dénoncer avec force le choix de la force », comme l’a dit la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier. « Si la France ne défend pas le droit international dans cette période où il est contesté et remis en cause, qui va le faire ? », a interrogé Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise (LFI).
Le retournement gagnant de Nétanyahou
Du point de vue de Benyamin Nétanyahou, la première quinzaine du mois de juin ressemble à un retournement inespéré. Dimanche, les États-Unis et l’Iran étaient censés se retrouver à Oman pour poursuivre les négociations sur le nucléaire. De mardi à vendredi, la communauté internationale avait ensuite rendez-vous à New York pour une conférence importante sur la reconnaissance de l’État de Palestine et la solution à deux États.
En lançant de manière inattendue son offensive contre Téhéran, Israël a bouleversé un calendrier diplomatique qui lui était défavorable. L’ouverture d’un front avec l’Iran a obligé ses alliés occidentaux, de plus en plus critiques à son égard, à resserrer les rangs. (...)
La perspective de la reconnaissance de l’État de Palestine paraît désormais lointaine. À Paris, dans les allées du pouvoir, le langage des diplomates a changé. La reconnaissance n’est plus une « exigence morale », mais un levier de négociations, une option diplomatique comme une autre. (...)
Plus les jours passaient, moins Emmanuel Macron semblait déterminé à reconnaître officiellement la Palestine. « La France a montré un apparent courage dans sa relation à Israël, mais le franchissement du passage à l’acte ne s’est pas fait, résume Jean-Paul Chagnollaud. S’il n’y avait pas eu ces bombardements, qu’est-ce qu’il serait advenu à New York ? On sentait un vrai embarras. De façon très cynique, on pourrait presque dire qu’ils tombent à pic pour la diplomatie française. On est retombés dans un soutien très mainstream à l’État d’Israël. »