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Mediapart
Handicap à l’école : la Cour des comptes pointe une politique publique encore imparfaite
#educationNationale #handicap
Article mis en ligne le 22 septembre 2024
dernière modification le 20 septembre 2024

La Cour des comptes évalue l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Leur nombre augmente, les moyens pour les accueillir aussi, mais de multiples difficultés persistent pour arriver à un système réellement juste et efficace.

Faire le bilan, pour le moins contrasté, d’une toute jeune politique publique, c’est le vaste exercice auquel s’est livrée la Cour des comptes, lundi 16 septembre, au sujet de l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Le résultat, « inédit », va au-delà d’une simple revue comptable des chiffres et des budgets, a pointé son premier président, Pierre Moscovici.

Le sujet de l’inclusion a été suggéré à la Cour des comptes par le biais de la plateforme citoyenne qui permet, depuis 2022, à chacun·e de proposer des thèmes de travail, tels que, l’an passé, le recours aux cabinets de conseil, le soutien public aux fédérations de chasseurs ou la fraude fiscale des particuliers. (...)

En 2022, 436 000 enfants en situation de handicap ont été intégrés en « milieu ordinaire » (3,3 % des effectifs scolaires), soit une hausse de 180 % depuis 2006, première année de mise en œuvre de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Sur le versant de l’emploi, la courbe suit la même ascension : près de 79 000 accompagnatrices des élèves en situation de handicap (AESH, métier essentiellement exercé par des femmes) travaillaient dans les écoles, collèges et lycées en 2023, soit une augmentation de 90 % en treize ans.

L’inclusion a donc profondément modifié le système scolaire français, c’est « indiscutable » et « globalement positif », estime la Cour des comptes. La suite du rapport, qui s’intéresse davantage à l’aspect qualitatif de cette révolution de l’inclusion, est cependant moins enthousiaste. À la question de savoir si les besoins des élèves sont couverts de manière « efficace et équitable », la Cour tranche par la négative et note de fortes disparités selon les territoires.

Pire, l’inclusion scolaire en France, pensée comme une manière de rétablir les enfants dans leurs droits – celui de la compensation de leur handicap – aboutit à bien des endroits à une véritable « souffrance », qui affleure dans « toutes les parties de ce rapport », confesse Pierre Moscovici. « Souffrance des enseignants, de l’enfant “trop handicapé” pour être dans une classe, souffrance des familles, des accompagnants qui ne sont pas assez reconnus. » (...)

Pour la Cour des comptes, le problème numéro un réside dans le manque de données, y compris budgétaires. En effet, le seul montant connu est celui que dépense chaque année l’Éducation nationale pour rémunérer les AESH et financer des dépenses pédagogiques – 3,7 milliards d’euros en 2022.

On ne sait pas combien déboursent, au total, les collectivités territoriales pour financer l’aménagement des établissements pour une meilleure accessibilité, le transport scolaire ou les activités périscolaires. Impossible donc, dans un tel contexte, de mesurer « la performance » du système français et encore moins de la comparer à celle des pays européens voisins. (...)

Les enfants en situation de handicap sont, pour près de 18 % d’entre eux, maintenus une année de plus en grande section de maternelle, ne bénéficient pas des mêmes acquis que les autres à la sortie du CM2, ont de moins bons résultats au brevet, sont fléchés de manière prépondérante vers le lycée professionnel « faute de dispositif adapté dans les lycées généraux et technologiques »…

En bout de course, leur orientation vers le supérieur est largement entravée, tout comme leur insertion professionnelle. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé que dans le reste de la population. Enfin, il n’est pas sûr que ces enfants et adolescents vivent, à l’école, au collège, au lycée, l’épanouissement nécessaire à une bonne scolarité.

Les AESH précarisées, un pansement insuffisant

Le rapport s’interroge également sur l’inflation du nombre d’AESH, devenues en quelques années le deuxième métier de l’Éducation nationale, derrière les enseignant·es. Malgré quelques améliorations, ces emplois restent précaires, peu rémunérateurs et occupés par des personnes peu ou pas formées.

Outre le fait d’en faire une profession à part entière (plusieurs partis à gauche, ainsi que des syndicats, réclament même pour les AESH la création d’un véritable corps de l’Éducation nationale), la Cour des comptes questionne le fait de faire reposer une large part de la politique d’inclusion sur ces personnels. (...)

Trop faible coordination avec le médico-social (...)

les places en instituts spécialisés fondent comme neige au soleil ces dernières années, au nom d’une nécessaire inclusion.

Cette situation crée d’énormes tensions. Pour les enfants, qui ne sont pas correctement accompagnés à l’école, au vu de leurs difficultés ; pour les équipes enseignantes, qui se disent débordées par des enfants dont le handicap est trop lourd à gérer en classe, surtout sans moyens spécifiques. Les départs « non désirés » en Belgique, qui font désormais l’objet d’un axe à part entière pour la ministre déléguée au handicap, ou les manifestations régulières de parents ont démontré que le problème ne peut être abordé que dans un même mouvement.

Comparant la France à l’Allemagne, à l’Italie ou encore au Royaume-Uni, la Cour note d’ailleurs que la « coexistence [historique] des secteurs médico-social et éducatif a abouti à une situation de cloisonnement, engendrant des difficultés récurrentes en termes de gestion des capacités d’accueil, d’orientation » et de « coopération ».

Publié en juillet 2024, le rapport de la médiatrice de l’Éducation nationale posait cette question centrale, sans pincettes : « L’école inclusive, un système confronté à ses limites ? »

Le document évoquait les multiples saisines désespérées des familles, mais aussi des enseignant·es et chef·fes d’établissement sur ce thème et les dilemmes qu’il soulève, « tels que la nécessité de concilier la progression collective » d’une classe et « l’accompagnement individualisé qu’appellent certains élèves à besoins éducatifs particuliers ». (...)