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Mediapart
IHU de Marseille : un nouveau rapport pointe les ravages de l’héritage de Didier Raoult
#Raoult #IHUMarseille
Article mis en ligne le 27 mai 2025
dernière modification le 22 mai 2025

Parti en septembre 2022, Didier Raoult a laissé derrière lui un institut très affaibli. C’est ce que pointe un nouveau rapport du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche. Malgré quelques améliorations, les inspecteurs déplorent que les auteurs de fraudes scientifiques soient encore en poste.

(...) Malgré certaines améliorations notables depuis son départ, en septembre 2022, les « faiblesses » de l’IHU sont encore nombreuses et méritent « une vigilance particulière ». L’institut, spécialisé dans la lutte contre les maladies infectieuses, a encore tendance à « produire en quantité des publications au détriment de la qualité » et doit encore apporter toutes les garanties qu’aucune fraude ne sera, de nouveau, commise. Et, pour cela, il est « impérativement » recommandé à l’institut de « mettre un terme aux responsabilités de toute personne ayant participé à l’ancienne équipe de direction de l’IHU » et impliquée dans les falsifications et dérives passées. Ces préconisations doivent être suivies « avant toute décision de refinancement, si l’État décidait d’aller dans ce sens ».

Ce constat, sans concession, est celui que dresse une dizaine de chercheurs et chercheuses mandaté·es pour inspecter l’IHU par le Haut Conseil de l’évaluation, de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), autorité publique indépendante.

À l’issue de leur visite menée en octobre 2024 et des différentes réponses qui ont été apportées par les membres fondateurs, parmi lesquels l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et l’université d’Aix-Marseille, ils viennent de conclure leur rapport, rendu public le 21 mai. (...)

En préambule, cette dizaine d’expert·es européen·nes prennent soin de rappeler « la crise majeure » qu’a traversée l’IHU. « Sous l’impulsion de la précédente direction », et notamment pendant la crise sanitaire liée au covid-19, de « graves manquements en matière d’éthique et d’intégrité scientifique » ont été commis. Ces « dérives » ont été aggravées « par une crise de gouvernance interne relevant des dysfonctionnements structurels profonds ».

L’insistance du rapport sur les manquements et leurs gravités permet de mesurer l’ampleur des ravages causés à l’IHU par la gestion de Didier Raoult et certains de ses plus proches adjoints. Les auteurs rappellent en particulier que l’IHU a conduit plusieurs recherches cliniques en dehors de toutes règles éthiques, « une infraction qui constitue un manquement à l’intégrité scientifique ».

Plusieurs rapports d’inspections, dont celui de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en novembre 2021, ont révélé que des études ont été menées sans le consentement des patient·es, ou de leurs parents lorsqu’il s’agissait de mineur·es.
Des auteurs de falsifications scientifiques toujours en poste (...)

Catégorique, le comité estime qu’« un si lourd passif appelle à des mesures plus radicales que celles qui ont été prises jusqu’à présent par l’IHU ». En somme, la présence au sein de l’IHU de chercheurs « directement impliqués dans les dérives passées et actuellement visés par des enquêtes » n’est plus acceptable, juge-t-il. (...)

Des années de crise et d’immobilisme

Loin d’être des dérives isolées, ce mode de fonctionnement, qui n’avait de scientifique que l’apparence, laisse un institut exsangue. Promis à un bel avenir, l’IHU fait aujourd’hui un effet repoussoir et peine à attirer les chercheurs et chercheuses. (...)

Malgré la sévérité de leurs observations, les scientifiques félicitent néanmoins les quelques évolutions déjà amorcées, dont une meilleure répartition des pouvoirs qui étaient, jusqu’en 2022, concentrés entre les mains d’un seul homme, Didier Raoult. (...)

Un institut isolé et des finances fragiles

Tout au long de leur rapport, les évaluateurs « insistent sur l’impérieuse nécessité pour l’IHU » de s’assurer que toutes les mesures sont prises et suivies afin de garantir « la qualité, l’intégrité et l’éthique des recherches conduites à l’institut ». Il en va finalement de la survie de l’IHU, dont le bilan financier n’est également pas très positif.

Certes, l’IHU bénéficie d’infrastructures « remarquables », notamment de « plateformes technologiques qui ont fait l’objet de forts investissements depuis 2011 ». Au moins 31,5 millions d’euros ont été déboursés par l’État, l’Union européenne et les collectivités territoriales. Mais ces équipements « n’ont pas connu la trajectoire espérée ni en termes d’attractivité ni pour adosser des partenariats industriels ». (...)

Alors que Didier Raoult s’est reconverti dans les cosmétiques, il a laissé un IHU anéanti et encore visé par plusieurs enquêtes judiciaires, portant notamment sur les falsifications et l’absence de consentement des patient·es dans plusieurs recherches cliniques.