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SOS Mediterranée
Il est inacceptable que des vies humaines soient sacrifiées au nom du contrôle des frontières
#SosMediterranee #oceanViking #sauvetages #migrants #immigration #solidarite #rescapés
Article mis en ligne le 9 octobre 2025
dernière modification le 7 octobre 2025

Lettre ouverte à la Commission européenne

Monsieur Magnus Brunner, Madame Dubravka Šuica,

CC : Ursula von der Leyen, António Costa et Roberta Metsola,

Le 24 août 2025, les garde-côtes libyens ont ouvert le feu sans avertissement sur le navire de sauvetage Ocean Viking, opéré par l’organisation humanitaire maritime SOS MEDITERRANEE, alors qu’il se trouvait en eaux internationales.

Les garde-côtes ont tiré un nombre considérable de balles, menaçant ainsi la vie de plus de trente membres d’équipage et de quatre-vingt-sept personnes rescapées qui avaient été secourues en mer. L’analyse de l’attaque indique qu’elle a été menée depuis un bateau que l’Italie a fourni aux garde-côtes libyens dans le cadre du programme de soutien de l’Union européenne (UE) à la Libye pour la gestion des frontières et des migrations (SIBMMIL). Cette attaque s’inscrit dans une longue série de violences contre des personnes en détresse en mer et contre des humanitaires, violences pour lesquelles les auteurs ne sont toujours pas tenus pour responsables en Libye. Alors que la Commission européenne a déclaré que les autorités libyennes enquêtaient sur cet incident, à ce jour soit plusieurs semaines après l’attaque, rien n’indique que la coopération ou le soutien matériel et financier à la Libye aient été suspendus le temps de cette enquête.

La garde côtière libyenne ne peut être considérée comme un acteur légitime du sauvetage en mer car elle n’en respecte pas les standards et est impliquée dans de violentes attaques à l’encontre de personnes en détresse lors d’interceptions en mer, comme l’a reconnu la justice italienne. Le soutien que l’UE lui a apporté pendant huit ans n’a pas amélioré son bilan en matière de droits humains. Il a au contraire permis et légitimé des abus, en violation de l’article 29 du règlement relatif au voisinage, à la coopération au développement et à la coopération internationale (NDICI), qui interdit tout financement européen d’activités pouvant entraîner des violations des droits humains.

Bien qu’officiellement la coopération de l’UE et ses États membres avec la Libye soit motivée par la nécessité de sauver des vies près des côtes libyennes, dans les faits elle empêche des personnes en quête de sécurité d’atteindre l’Europe. C’est par son truchement que des acteurs libyens bénéficiant de financements et de soutien européens renvoient de force des personnes dans des lieux où les Nations unies, comme de nombreuses autres instances, ont documenté des actes inhumains constituant des crimes contre l’humanité. Ce système ne laisse aux personnes en quête de protection que deux choix : risquer la mort en mer ou subir des détentions arbitraires, de la torture et des extorsions en Libye.

Malgré des preuves accablantes, la Commission a nié que son soutien aux forces libyennes ait directement permis ces violations des droits humains. Pourtant, selon le Médiateur européen, elle s’est bel et bien rendue coupable de mauvaise administration en refusant de divulguer les évaluations des potentiels préjudices (« do-no harm ») résultant de ses projets en Libye.

Cette stratégie désastreuse perdure depuis plus d’une décennie. Elle a coûté beaucoup de vies. Il est grand temps que les institutions européennes cessent de tolérer les attaques injustifiables commises par les autorités libyennes, financées par les contribuables européens, contre des personnes en détresse en mer et des citoyennes et citoyens européen.ne.s menant une action humanitaire. Cette culture d’impunité de la violence incite les agressions et érode le respect des droits humains, du droit international et du droit maritime.

Le récent discours de l’état de l’Union a souligné l’intention qu’a l’UE de renforcer son rôle géopolitique en se positionnant comme gardienne des valeurs et des standards, dans un monde en turbulence. Pour être considérée comme telle à l’international, ces paroles doivent être suivies d’actes, avant tout aux portes de l’Europe.

Il est inacceptable que des vies humaines soient sacrifiées au nom du contrôle des frontières.

La Commission européenne doit restaurer l’État de droit à sa frontière maritime ; suspendre sans délai sa coopération avec la Libye ; exhorter l’Italie à mettre fin à son Mémorandum d’entente de 2017 avec la Libye ; et demander aux autres États membres de s’abstenir de conclure des accords similaires. Elle doit financer et coordonner un programme européen de recherche et sauvetage en Méditerranée centrale, mené par les États. Elle doit soutenir les États dans l’ouverture de voies sûres qui permettront aux personnes de fuir la Libye et réduiront les recours aux routes périlleuses dont elles dépendent. Enfin, elle doit garantir aux victimes de graves violations des droits humains, commises par des acteurs libyens soutenus par l’Union européenne, l’accès à la justice et à la réparation.

Bien à vous,