
« Le coût de la transition est bien inférieur à celui de l’inaction », a rappelé la Cour des comptes dans un rapport sur les politiques publiques en matière d’écologie. Elle appelle à « un effort d’investissement considérable ».
Attention à ne pas jeter l’action écologique avec l’eau du bain austéritaire. Telle est l’alerte lancée le 16 septembre par la Cour des comptes. Une fois n’est pas coutume, la vénérable institution — « qui n’est pas constituée de militants écologistes », a rappelé son président Pierre Moscovici, ministre de l’Économie sous François Hollande — a dévoilé un rapport public invitant l’État à investir bien davantage dans la transition écologique.
Objectif initial de l’exercice, inédit : « Analyser la pertinence et l’efficacité des politiques publiques » en la matière, selon les dires du haut-fonctionnaire. Car, si « le statu quo n’est pas une option » sur le front climatique, il s’agit de renforcer l’action écologique de l’État, tout en « prenant en compte la situation dégradée des finances publiques ». Dit autrement : continuer d’investir, mais pas n’importe comment. Surtout, « la transition écologique ne doit pas être la variable d’ajustement budgétaire », a martelé Pierre Moscovici.
Un propos qui sonne comme une utile piqûre de rappel, alors que des voix s’élèvent pour réclamer une cure d’austérité XXL. (...)
Que dit, en substance, ce rapport ? Que malgré « des progrès sensibles » — comme la diminution de 30 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2023 —, nos efforts ne sont « plus suffisants pour remplir les engagements climatiques de la France ». Et que sur les autres fronts, « le déclin de la biodiversité se poursuit, le volume de déchets augmente, l’état des ressources hydriques se détériore ». Bref, on fonce dans le mur.
Afin d’éviter le crash écologique, « un effort d’investissement considérable » paraît indispensable. À l’instar d’autres études économiques, comme le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz de 2023, la Cour des comptes chiffre les besoins à 200 milliards d’euros par an, soit le double de l’enveloppe actuelle, répartis entre public et privé — ménages, banques et entreprises financent déjà pour plus des deux tiers la politique d’atténuation. À titre de comparaison, la fortune de Bernard Arnault est estimée à 132 milliards d’euros. (...)
Comment faire passer l’amère pilule ? Premier argument asséné par la Cour, « le coût de la transition est bien inférieur à celui de l’inaction ». En clair, ne rien faire nous coûtera, in fine, plus cher. (...)
le déploiement du bouclier tarifaire — mesure curative face à l’explosion des prix de l’énergie — a coûté 19,6 milliards d’euros à l’État de 2022 à 2024. De l’argent directement fléché vers les énergies fossiles, alors qu’une politique de rénovation ambitieuse déployée en amont aurait permis de limiter la casse.
Aucune proposition sur le volet fiscal
Autre argument déployé par Cour : il existe d’autres leviers que la seule subvention publique pour soutenir la transition. Dans le viseur des magistrats, les niches fiscales dites « brunes », dommageables au climat et à l’environnement : avantage fiscal sur le gazole pour les agriculteurs, exemption de taxes sur le kérosène pour les avions… Il y aurait là plus de 8 milliards d’euros à économiser. Las, constate le rapport, « la diminution programmée des subventions dommageables progresse lentement alors même que leurs effets perdureront longtemps après leur éventuelle suppression ». (...)
D’autres outils existent pour limiter le coût pour la puissance publique : la loi — par exemple interdire la fabrication de PFAS ou obliger les entreprises à s’équiper en véhicules électriques —, la commande publique, ou encore les politiques de sobriété (diminution de l’éclairage nocturne, baisse de la température dans les bâtiments publics…). (...)
Rien (ou presque) en revanche sur le volet fiscal. À la question de Reporterre — « Faut-il taxer les plus fortunés pour financer la transition ? » —, l’une des magistrates autrices du rapport a répondu par une pirouette : « Je ne vous parlerai pas des ultrariches, mais des plus modestes, qui sont bien plus nombreux, a esquivé Inès-Claire Mercereau. À ce sujet, il est nécessaire d’évaluer précisément la capacité de financement de ces ménages, afin de mieux cibler les aides. »
Pour Louise Kessler, « il n’y a pas de solution miracle, mais une ligne de crête à trouver entre efficacité, efficience et justice ». En d’autres termes, charge au gouvernement — en premier lieu au Secrétariat à la planification écologique, encensé par la Cour — et aux parlementaires de remettre la transition écologique sur le tapis politique. (...)