
Prenant conscience du temps colossal passé sur les réseaux sociaux, des jeunes reconsidèrent leur usage de ces outils numériques. Une manière de se recentrer sur l’essentiel.
(...) Je me suis rendu compte que je passais beaucoup de temps sur Instagram. J’ai enlevé l’application de mon téléphone et maintenant, j’ai l’impression de pouvoir mieux organiser mon temps. Je ne regrette pas du tout, je le vis très bien. » Nomi, 18 ans aujourd’hui, a choisi la manière forte. Utilisateur des réseaux sociaux depuis ses 13 ans, le jeune homme s’est laissé tenter par le chouchou des réseaux, Instagram, dès le collège. « Je postais pas mal à l’époque, des photos de moi, dès que je me baladais, que j’allais quelque part, je mettais la photo sur Insta. Et aussi beaucoup de musique en story. »
Un usage quotidien, spontané, lié à la découverte de l’outil et de ses multiples possibilités. Un usage d’adolescent en somme, avec toutes les joies qu’il procure. À présent en licence 1 de mathématiques, Nomi a pris le temps de se questionner sur sa pratique. Musicien à ses heures, le nouvel étudiant a dû réorganiser son temps, et passer pour cela par un réajustement de sa relation à Instagram. « Je regardais beaucoup de réels. Parfois je passais plus d’une heure d’affilée juste à regarder des trucs pas très intéressants au final… » (...)
Pour Vanessa Lalo, psychologue spécialiste des pratiques numériques, désinstaller une application « peut être le moyen de reprendre le contrôle sur sa pratique, de ne pas se laisser envahir par l’outil. D’un coup, je choisis, je ne subis pas ». Une décision souvent liée à l’âge et aux changements de centres d’intérêt, que l’on peut observer lors des années lycée. Nomi a prévenu ses amis proches de son choix, et est revenu à la bonne vieille messagerie pour échanger avec eux. En conservant Snapchat tout de même, pour converser avec d’autres, mais sans faire de story. (...)
Il y a un processus de maturation de ces pratiques numériques.
Vanessa Lalo, psychologue spécialiste des pratiques numériques (...)
Pour autant, la psychologue aime à rappeler que se distraire est une activité en soi : selon elle, il n’est pas toujours nécessaire d’être dans une démarche d’apprentissage. Ce reboot d’usage des réseaux sociaux vient avant tout « modifier les modalités de communication avec les pairs », en ramenant aux messageries initiales. Une façon de revenir à l’essentiel : l’interaction avec ses amis. (...)
Rosalie, elle, a donc limité ses abonnements à des amis proches, quelques médias et des comptes militants, pour se tenir au courant des mouvements sociaux. « Je l’ai fait pour moi, assure la jeune fille. Il faut que ça vienne de soi, pas d’adultes accusateurs, sinon on se sent juste attaqué et ça ne sert à rien. » L’adolescente, de toute façon, postait déjà peu auparavant de « ces photos qui ne traduisent pas la situation réelle ».
C’est justement ce type de photos qui a perturbé Pauline, 19 ans à présent, mais qui, à 14 ans, ne se retrouvait pas dans les contenus d’Instagram, « où tout le monde est beau, avec une super vie ». Complexée, l’adolescente, qui venait de vivre une période de harcèlement scolaire, se noie dans ce monde d’images retouchées plusieurs heures par jour, et s’inflige une forte pression. « Je voulais paraître quelqu’un que je n’étais pas. J’avais une utilisation pas saine du tout de ce réseau social. Je me comparais toujours, me dévalorisais. » Pauline développe alors des troubles du comportement alimentaire (TCA)
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Se diriger vers des contenus qui font du bien
« Il convient de rappeler que les réseaux sociaux créent rarement les problèmes, indique Vanessa Lalo. En revanche, ils peuvent amplifier des choses sous-jacentes, déjà existantes. » Avec le temps, Pauline a cherché à se détacher de la représentativité sur les réseaux sociaux. Puis a découvert des contenus valorisants, comme le mouvement body positive ou des comptes ludiques et bienveillants sur la santé mentale. L’occasion pour elle de se percevoir autrement, et dans la foulée de reprendre la main sur le versant factice d’Instagram pour se diriger vers des contenus qui font du bien. (...)
« On observe que ces jeunes enlèvent quelque chose qui leur paraît superflu, constate la spécialiste des pratiques numériques. C’est un mouvement intéressant dans le processus d’entrée dans la vie adulte. Alors, se réapproprier le temps, oui. Et se divertir, c’est bien aussi ! »