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l’Humanité
Insultes, menaces de viol, agressions physiques : de Sandrine Rousseau à Aymeric Caron, la gauche en première ligne face aux violences contre les élus
#democratie #AssembleeNationale #harcelement #violences #gauche #LFI
Article mis en ligne le 10 août 2025
dernière modification le 6 août 2025

Elles sont rangées là, dans l’un des tiroirs du bureau de son collaborateur. Des centaines de lettres, empilées jusqu’à former un tas mauvais. S’y plonger, c’est comme ouvrir la boîte de Pandore : rien de bon n’en sort. « Je vais t’égorger, sale pute » ; « Salut, charogne féministe » ; « Maintenant, je te torpille » ; « Tu vas morfler à ton tour ».

Et encore, il ne s’agit là que des extraits les moins choquants. « Il y a tous ceux qui veulent me violer et décrivent la manière qu’ils emploieraient », égrène Sandrine Rousseau, d’une voix lasse. D’habitude, elle évite de lire son courrier elle-même. L’un des membres de son équipe s’en charge pour elle, et l’alerte si besoin.

On reste un peu interdit. Elle aussi : « Quand je pense à ce que je viens de vous dire, et c’est assez dérangeant, je m’aperçois que mon niveau d’acceptation de la violence a augmenté… Ce n’est pas qu’on s’habitue, mais on fait avec. »

Sandrine Rousseau n’est pas un cas à part. De nombreux élus témoignent, inquiets et impuissants, de cette montée irrépressible de la violence dans le champ politique. Mais pas seulement. C’est une vague si puissante qu’aucune digue ne lui résiste. Elle déborde aujourd’hui dans leur vie de tous les jours.

Des protections inégalement accordées

Marine Le Pen et Jordan Bardella en bénéficient actuellement. Le député LFI Thomas Portes aussi. Mais ces menaces ne sont pas de même nature, selon l’analyse des services compétents : « Avec le RN, on va avoir de la perturbation de meetings ou des contre-manifestations. Mais on n’a pas de violence physique. Pour LFI et d’autres élus de gauche, on est sur du harcèlement au quotidien, et avec le contexte de la Palestine, des prises à partie, parfois violentes, dans la rue. Pour Aymeric Caron, c’est assez fréquent. »

Et pourtant, cette protection policière lui a été refusée à trois reprises, nous révèle l’ancien journaliste, aujourd’hui député de Paris : « J’en veux énormément au ministre de l’Intérieur et au préfet de police de Paris de leur inaction volontaire ! Ils espèrent sans doute qu’en me refusant cette protection, je fermerai ma gueule, eh bien, c’est raté. » Les engueulades par SMS avec Laurent Nuñez se multiplient ces derniers temps sur ce sujet (...)

« Il y a dix ans, on n’osait pas venir m’insulter ou m’agresser. Aujourd’hui, on dirait que tout est permis. Lors de la campagne post-dissolution, j’ai même dû engager un service d’ordre privé pour me protéger », se souvient-il. Il y a quelques mois, il a été menacé de mort alors qu’il déambulait avec son enfant.

Un vieil homme, en apparence sans histoire, lui a expliqué sans sourciller son envie de le tuer « pour le plaisir ». Il attend toujours une réaction de soutien de Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale. Sur Facebook, en revanche, un anonyme a commenté sous la vidéo de la scène : « Cela s’appelle un retour de manivelle. » Plus de digues, disions-nous. (...)

Sandrine Rousseau, elle, n’a pas demandé « directement » de protection, même si elle aurait aimé que l’Intérieur prenne cette décision. « Ou au moins qu’il me donne un contact direct avec les policiers. Je me sentirais plus en sécurité », glisse-t-elle. Les autorités se sont limitées à lui transmettre une analyse de la réalité des menaces contre elle. Rien, selon eux.
De la violence verbale aux violences physiques

Pourtant, il y a peu, dans un restaurant, un homme, visiblement contrarié de devoir dîner en sa présence, a essayé de la sortir manu militari de l’établissement. « Heureusement, des clients se sont interposés », raconte-t-elle. Sa propre fille aussi. (...)

Preuve de la montée de la « la violence masculiniste », selon elle. La rue est devenue un espace hostile. Le métro, une prise de risque. L’écolo a d’ailleurs pris l’habitude d’attendre la rame loin du quai. L’hypervigilance comme seule arme de protection.

D’autres formations se chargent elles-mêmes de la sécurité. « Depuis quelques mois, Ian Brossat est systématiquement escorté de militants pour ses déplacements », révèle Lydie Benoist, membre du comité exécutif national du PCF et responsable de la sécurité du parti.

Les maires ne sont pas épargnés. Sylvain Poirrier, l’édile d’Arthezé (Sarthe), a reçu une balle de revolver par courrier. En 2023, des menaces de mort explicites avaient été taguées sur une maison de quartier contre Abdel Sadi, le maire de Bobigny. (...)