
La ministre de la culture rappelait publiquement l’importance de défendre l’indépendance de la presse. En coulisses, elle n’a cessé de faire pression sur les rédactions qui enquêtent sur elle. Et insulté certains patrons de médias.
Le 17 octobre 2024, Rachida Dati monte à la tribune du Sénat pour parler d’une loi visant à renforcer l’indépendance de la presse. Elle semble convaincue lorsqu’elle évoque ces « deux sujets essentiels à notre démocratie » que sont « l’indépendance de nos médias » et « la protection des journalistes ». Et pourtant.
En coulisses, la ministre de la culture démissionnaire, qui est aussi chargée de la presse et de la communication, malmène violemment et régulièrement ce principe. Rares sont les élu·es, plus encore les ministres (à l’exception de François Bayrou), à commettre de telles pressions sur les journalistes ou les patrons de presse. Insultes, menaces, attaques personnelles… Rachida Dati ose tout et torpille son discours officiel par ses actes officieux. (...)
Celle qui vient de lancer sa campagne pour briguer la mairie de Paris cible toutes les rédactions et les journalistes auteurs d’enquêtes la concernant. (...)
À Libération, elle vise principalement Laurent Léger. Ancien de Charlie Hebdo, c’est lui qui enquête sur elle depuis des années et qui est l’auteur de nombreuses révélations pour L’Express et maintenant pour Libération. De l’affaire des « barbouzeries au PSG » qui mène à Rachida Dati en passant par ses liens avec l’Azerbaïdjan ou ses rémunérations versées par l’entreprise Orange, le journaliste a dévoilé de nombreux soupçons qui pèsent sur l’élue, mise en examen par la justice depuis.
Au Nouvel Obs, Clément Lacombe a également révélé plusieurs éléments concernant son contrat à 900 000 euros passé avec Renault-Nissan et les rémunérations touchées de la part d’une entreprise étrangère. À chaque fois, l’élue est accusée d’avoir joué les lobbyistes alors qu’elle était députée européenne. (...)
En retour, Rachida Dati réplique presque systématiquement. D’abord via le volet judiciaire, comme l’a déjà raconté le site l’Informé, en attaquant à tout-va en justice. Elle a engagé une dizaine de procédures. (...)
Mais l’ex-garde des Sceaux sait aussi activer tout son réseau pour tenter d’empêcher des publications. Certaines de ses cibles, sollicitées par Mediapart, parlent de « méthodes de voyou » et de « méthodes inédites » de la part d’une ministre. (...)
Tentatives de blocage (...)
Malaise à France TV
À France 2 enfin, une interrogation pèse toujours très fort : Rachida Dati a-t-elle tenté d’empêcher la rédaction de « Complément d’enquête » de travailler sur elle ?
En janvier, Le Monde révèle le malaise de la rédaction après la consigne lancée par la direction. Les journalistes d’investigation de la chaîne doivent suspendre tous les portraits politiques jusqu’aux élections européennes du 9 juin. La décision est inédite. Non seulement l’émission suspend ses diffusions de portraits, mais les journalistes n’ont plus le droit de poursuivre leurs enquêtes pour des émissions ultérieures. Celui de Rachida Dati est totalement interrompu.
Encore une fois, le calendrier de cette annonce interroge. Selon nos informations, Rachida Dati est la seule politique sur qui « Complément d’enquête » travaillait depuis quelques semaines. A-t-elle fait pression sur France Télévisions ? (...)