Le 21 novembre 2020, en période de Covid, le producteur de musique, Michel Zecler, rentre dans son studio d’enregistrement sans masque. Il est alors violemment interpellé par un fonctionnaire de police rentré derrière lui, rejoint par un deuxième policier. L’interpellation a été filmée par les caméras de vidéosurveillance du studio et les images diffusées par un média en ligne suscitant une vive émotion. La Défenseure des droits, Claire Hédon, a décidé, à la vue de ces images, de se saisir d’office des conditions de l’interpellation de Monsieur Zecler qui rapportait des faits de violence et des propos racistes à son encontre commis par quatre fonctionnaires de police.
C’est à la suite de cette affaire que la plateforme antidiscriminations.fr du Défenseur des droits est créée, à la demande du Président de la République, et confiée à l’institution du Défenseur des droits pour en garantir l’indépendance.
Pour rappel, le Défenseur des droits est l’autorité administrative indépendante, inscrite dans la Constitution et chargée notamment du contrôle externe du respect des règles de déontologie qui encadrent les activités des professionnels de la sécurité publique et privée, notamment le respect de la population, les règles d’usage de la force, l’exemplarité, le discernement, le secret et la discrétion professionnels, l’impartialité.
L’enquête du Défenseur des droits, menée après accord du juge d’instruction saisi et de manière contradictoire, révèle de nombreux manquements déontologiques d’une extrême gravité de la part de ces policiers, en méconnaissance du code de la sécurité intérieure.
Ces manquements sont notamment :
- Un usage de la force injustifié et disproportionné (article R.434-18 du code de sécurité intérieure) : des coups de poing et de matraque ont été assenés par les policiers au début de l’interpellation alors que la victime n’avait pas porté ou tenté de porter des coups ; ensuite, lors de son menottage, elle a été frappée à six reprises au visage alors qu’elle était au sol et immobilisée. Les coups reçus ont occasionné une incapacité totale de travail de 45 jours.
- Un usage injustifié et disproportionné d’une arme (article R. 434-10 du CSI) : une grenade lacrymogène a été lancée dans l’entrée du studio d’enregistrement sans appréciation de la nécessité et de la proportionnalité de l’usage de cette arme dans un local fermé alors qu’aucun danger imminent n’a été relevé. Ce qui démontre que le fonctionnaire à l’origine du lancer de grenade a manqué à son obligation de discernement.
- Un manquement à l’obligation de loyauté (article R.434-5 du CSI) : le procès-verbal d’interpellation rédigé par les fonctionnaires de police ne rend pas compte du déroulement exact de l’interpellation tel qu’il résulte des images enregistrées par les caméras de vidéosurveillance placées dans le studio d’enregistrement. Les fonctionnaires de police ont déformé et tenté de dissimuler la réalité.
- Un manquement à l’interdiction de discrimination et à l’obligation de respect de la dignité des personnes (articles R. 434-11 et R. 434-14 du CSI) : la victime a fait l’objet d’insultes à caractère raciste en étant traitée de « sale nègre », insultes confirmées par le témoignage de quatre personnes présentes sur les lieux.
- Un manquement à l’interdiction de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale (article 434-12 du CSI) : à l’issue de l’interpellation, certains policiers en cause ont diffusé sur les réseaux sociaux des informations confidentielles sur les antécédents judiciaires de la victime, assortis de commentaires insultants.
Outre les manquements constatés, la Défenseure des droits considère que l’obligation de contrôle hiérarchique n’a pas été respectée et constate qu’aucun conseil de discipline n’a été réuni. Elle saisit donc le ministre de l’Intérieur afin qu’il engage, sans délai, une procédure disciplinaire envers ces quatre policiers.
« Les faits dont a été victime Michel Zecler, sont d’une extrême gravité, à la fois pour la victime mais également pour l’image de la police et la confiance qu’elle doit inspirer aux citoyens. Ils appellent une réponse disciplinaire très claire de la part du ministère de l’Intérieur afin de restaurer l’image de la police républicaine et de rassurer les citoyens quant au respect de la déontologie par les forces de sécurité ».
Claire Hédon, Défenseure des droits.