
Alors que la réponse israélienne aux attaques terroristes du Hamas, qui ont fait plus de 1 300 morts, est considérée par certains observateurs comme le début d’un « génocide », la ministre des Affaires étrangères française a entamé son voyage au Proche-Orient et réaffirmé son soutien sans réserve à l’État hébreu, à rebours de la position diplomatique historique de la France.
Alors que l’intervention terrestre israélienne se prépare dans le nord de la bande de Gaza, que l’acheminement de l’eau, de la nourriture et de l’électricité a été coupé, que près de 3 000 Palestiniens dont un millier d’enfants sont déjà morts sous les bombardements israéliens, et que plus d’un million de Gazaouis se sont déplacés vers le sud, Colonna a déclaré : « Israël a le droit de se défendre face à la monstruosité du Hamas et au danger qu’il représente, sa réponse doit être ferme et juste. »
Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie, et bon connaisseur de la région, vole au secours de la ministre : « Il y a plusieurs phases dans la gestion de crise. Nous sommes dans celle de la solidarité avec les Israéliens, même s’ils ne se comportent pas comme il faudrait. Au lendemain du 11-Septembre, aurait-on pu entendre un discours sur la retenue ? » L’émotion légitime suscitée par le massacre de civils israéliens rendrait-elle impossible la critique par la diplomatie française du massacre de civils palestiniens ? (...)
En 1967, à la veille de la guerre des Six-Jours, De Gaulle prévenait : « Si Israël est attaqué, nous ne le laisserons pas détruire, mais si vous attaquez, nous condamnerons votre initiative. » L’État hébreu déclenchera tout de même les hostilités et occupera des territoires arabes. De Gaulle imposera alors un embargo sur la vente d’armes. (...)
C’est également sous Giscard d’Estaing que la France pousse l’Europe à déclarer, lors de la conférence de Venise, le droit des Palestiniens « à l’autodétermination dans un État palestinien aux côtés d’Israël ».
Plus tard, François Mitterrand sera le premier chef d’État français à se rendre en Israël, après avoir levé le blocus commercial envers l’État hébreu. Il sera aussi le premier chef d’État occidental, en mai 1989, à recevoir Yasser Arafat, avec les honneurs d’un chef d’État. Et c’est en France toujours qu’Arafat inaugurera une offensive diplomatique qui conduira aux accords d’Oslo en 1993. À son arrivée, Jacques Chirac garde le cap et impose son style. Son altercation en 1996 avec un agent de sécurité israélien, dans la vieille ville de Jérusalem, l’a rendu célèbre dans le monde arabe. (...)
Depuis Nicolas Sarkozy, même le verbe s’est progressivement éteint. Celui qui se qualifiait d’« ami d’Israël », et qui fut le second président français à s’exprimer devant la Knesset, avait misé sur sa popularité en Israël – 90 % des Franco-Israéliens ont voté pour lui – pour tenter de relancer le processus de Paix. En 2007, l’Élysée a donné son feu vert à une mission de contact avec l’aile politique du Hamas, confiée à un diplomate français à la retraite. (...)
Avec François Hollande, une forme de rupture avec cette ligne s’engage. « À sa première conférence des ambassadeurs, il a parlé du “droit des Palestiniens à l’autodétermination” sans évoquer la perspective d’un État, se souvient Yves Aubin de La Messuzière. On s’est dit : il parle comme dans les années 1980 ! » Facilement impressionné par les Israéliens, il oublie sa promesse de reconnaissance d’un État palestinien et cafouille dès qu’une nouvelle crise éclate en 2014. Sous pression du cabinet de Benyamin Netanyahou, il soutient sans réserve l’État hébreu quelques heures avant qu’un raid israélien ne tue neuf Palestiniens attablés dans un café de Gaza. (...)
La mécanique s’accentue sous Macron. (...)
Depuis la tentative de conférence de paix lancée par Laurent Fabius en 2016, la France est absente du dossier israélo- palestinien. (...)
Rattrapée par ses abandons, la France s’agite sans ancrage profond auprès des acteurs de la région. (...)
Pour l’ancien diplomate Gérard Araud, dans un entretien au Grand Continent, la priorité est de défendre le droit des Palestiniens en Cisjordanie : « Nous assistons à une situation d’apartheid où deux populations vivent sur la même terre, avec des droits absolument inégaux. Au nom de nos intérêts et de nos valeurs, nous pourrions au moins élever la voix sur cette question. » Il serait temps !