
Yaïr Golan, général de réserve et leader des Démocrates, l’héritier du Parti travailliste israélien longtemps au pouvoir, est désormais qualifié de traître après une série de déclarations sans concessions sur la politique de Benjamin Netanyahu. En Israël, s’opposer au gouvernement et à la guerre menée à Gaza devient un exercice périlleux.
Le 20 mai, sur les ondes d’une radio publique israélienne,Yaïr Golan, ex n°2 de l’armée lance qu’ "un pays sain n’a pas pour hobby de tuer des bébés". Immédiatement, les réactions fusent. Benjamin Netanyahu et la droite israélienne le qualifient "d’antisémite", le ministre de la Défense dit vouloir interdire à celui qui a servi 38 ans sous le drapeau israélien "de porter l’uniforme de Tsahal et d’entrer dans les bases militaires" et le ministre de la Justice entend le dégrader et lui retirer ses galons de général.
Yaïr Golan, militaire de carrière, a été élu en mai 2024 à la tête du Parti travailliste israélien, rebaptisé "Les Démocrates" le mois suivant. Mais le parti des fondateurs de l’État hébreu a perdu sa splendeur d’antan. Aux dernières élections législatives, en 2022, il obtient 3,7 % des voix et quatre députés. Trente ans plutôt, les travaillistes, avec à leur tête Yitzhak Rabin, rassemblaient 34,7 % des suffrages.
"Yaïr Golan est fondamentalement sioniste" rappelle Fredéric Encel, géopolitologue spécialiste du conflit israélo-palestinien. "Ce n’est pas un trotskiste, c’est quelqu’un qui a défendu Israël les armes à la main".
Pour le chercheur, les attaques dont il fait l’objet visent avant tout les idées de la gauche israélienne "à l’ancienne". "Yaïr Golan est favorable au processus de paix d’Oslo des années 1990 et à la solution à deux États. Il est laïc et très fortement opposé à l’emprise de plus en plus importante du religieux sur le politique, notamment du mouvement ultra orthodoxe qui s’est systématiquement allié aux gouvernements Netanyahu."
Un climat de haine dirigée contre la gauche
Deux jours après ses déclarations sur la santé mentale de son pays, Yaïr Golan récidive. Après l’attaque devant le Musée juif de Washington qui a coûté la vie à deux jeunes employés de l’ambassade israélienne aux États-Unis, il estime sur X que le gouvernement Netanyahu "alimente l’antisémitisme et la haine envers Israël (...) mettant en danger chaque Juif à travers le monde". (...)
"pendant que vous vous cachiez dans des abris, je me suis rendu au festival Nova pour sauver des gens. Et maintenant, vous me traitez de traître ? Vous devriez avoir honte. Vous ne connaissez rien d’autre que la haine".
Le 7 octobre 2023, le courage de Yaïr Golan avait été célébré dans tout le pays. Au volant de sa Toyota personnelle, armé d’un fusil mitrailleur, il avait réalisé trois allers retours pour évacuer des participants à la rave party qui tentaient d’échapper aux militants du Hamas. (...)
Près de 20 mois plus tard, le gouvernement ultra nationaliste de Benjamin Netnayahu fait désormais de Yaïr Golan comme de toute voix critiquant sa conduite de la guerre à Gaza des "traitres" et des "antisémites". (...)
Dans les années 1980, quand le rabbin raciste Meir Kahane montait à la tribune de la Knesset, le Premier ministre de droite nationaliste Yitzhak Shamir quittait l’hémicycle" rappelle Frédéric Encel. "Depuis une trentaine d’années, il y a une brutalisation de la vie politique orchestrée par la droite israélienne. Je pense que le moment déclencheur du phénomène, c’est l’assassinat de Yitzhak Rabin."