
Nombre de personnes et collègues m’ont soutenu dans ce choix. Mais j’ai aussi été victime d’une certaine agressivité de la part de quelques internautes, dont des pilotes de ligne, français et étrangers. Tout le monde a bien sûr le droit d’exprimer son opinion – c’est le jeu des réseaux – mais tant de passion questionne.
Je n’ai pourtant fait qu’expliquer que je mettais fin à plus de 20 ans de bons et loyaux services au sein de la compagnie tricolore afin de me réaligner avec ma boussole intérieure, qui m’indiquait depuis un moment que je n’étais plus sur un chemin qui me convenait. Cette décision, extrêmement dure à prendre, a mûri en moi lorsque j’ai réalisé que l’aviation avait un impact non négligeable sur le dérèglement climatique, et que cela contribuait à me rendre éco-anxieux.
Surtout, je me suis rendu compte de la quasi impossibilité du secteur à freiner sa croissance et à se décarboner suffisamment rapidement, malgré l’urgence écologique dans laquelle nous nous trouvons, et dont nous sommes toutes et tous chaque jour un peu plus les témoins. J’ai alors ressenti l’impériosité de faire un choix : continuer en étant conscient de tout cela, sans pouvoir vraiment agir, ou partir, afin de me réinventer.
Ma démarche ne remet évidemment pas en cause les nombreux bienfaits pour l’humanité apportés par l’aéronautique et je ne souhaite au fond qu’une chose : que nous puissions continuer à voler le plus longtemps possible, de manière plus durable. J’ai d’ailleurs adoré exercer ce fabuleux métier, dans cette magnifique compagnie.
C’est la dose qui fait le poison
Afin de développer ma pensée et donner du sens à mon geste, j’ai écrit un essai (Voyage interrompu – Confidences d’un pilote de ligne éco-anxieux, à paraître le 3 octobre 2025, aux éditions de l’Aube). (...)
Nombre de personnes et collègues m’ont soutenu dans ce choix. Mais j’ai aussi été victime d’une certaine agressivité de la part de quelques internautes, dont des pilotes de ligne, français et étrangers. Tout le monde a bien sûr le droit d’exprimer son opinion – c’est le jeu des réseaux – mais tant de passion questionne.
Je n’ai pourtant fait qu’expliquer que je mettais fin à plus de 20 ans de bons et loyaux services au sein de la compagnie tricolore afin de me réaligner avec ma boussole intérieure, qui m’indiquait depuis un moment que je n’étais plus sur un chemin qui me convenait. Cette décision, extrêmement dure à prendre, a mûri en moi lorsque j’ai réalisé que l’aviation avait un impact non négligeable sur le dérèglement climatique, et que cela contribuait à me rendre éco-anxieux.
Surtout, je me suis rendu compte de la quasi impossibilité du secteur à freiner sa croissance et à se décarboner suffisamment rapidement, malgré l’urgence écologique dans laquelle nous nous trouvons, et dont nous sommes toutes et tous chaque jour un peu plus les témoins. J’ai alors ressenti l’impériosité de faire un choix : continuer en étant conscient de tout cela, sans pouvoir vraiment agir, ou partir, afin de me réinventer.
Ma démarche ne remet évidemment pas en cause les nombreux bienfaits pour l’humanité apportés par l’aéronautique et je ne souhaite au fond qu’une chose : que nous puissions continuer à voler le plus longtemps possible, de manière plus durable. J’ai d’ailleurs adoré exercer ce fabuleux métier, dans cette magnifique compagnie.
C’est la dose qui fait le poison
Afin de développer ma pensée et donner du sens à mon geste, j’ai écrit un essai (Voyage interrompu – Confidences d’un pilote de ligne éco-anxieux, à paraître le 3 octobre 2025, aux éditions de l’Aube). (...)
je trouve angoissant que la voie de la limitation du trafic aérien n’ait jusqu’à présent pas été envisagée par le secteur. Notamment à cause de la confiance dogmatique qu’il place dans l’innovation technique. Certes, celle-ci est indispensable. Mais elle n’empêche nullement en parallèle d’être réaliste et de prendre en compte l’urgence actuelle (...)
une limitation de la croissance du secteur s’avère être un outil dont on ne pourra pas se passer (...)
Une nécessaire limitation du trafic aérien
Une limitation de la croissance du trafic aérien, sans un changement profond de nos mentalités, est bien sûr une solution qui s’annonce difficile à faire accepter. Cependant, un consensus scientifique émerge actuellement sur son inéluctabilité (...)
Quelles conséquences sur l’ensemble de la vie sur terre, notamment en termes de surtourisme, de pollution, et de réchauffement climatique ?
Rappelons que l’aviation est actuellement responsable d’environ 5% de ce réchauffement (2,5% de gaz à effet de serre + 2,5% dus aux trainées de condensation). Sans compter les autres résidus : H2O, NOx…
5%, cela peut paraître peu, mais les prévisions de croissance du traffic mondial font froid dans le dos (...)
Les pistes de réflexion
Un jour, j’ai compris le problème de l’effet de serre dans l’atmosphère, et cela a changé ma vie.
Je le matérialise aujourd’hui par une baignoire quasiment bouchée (car les puits de carbone ont tendance à disparaître), que l’on remplit un peu plus chaque jour de CO2, de méthane, ou de protoxyde d’azote. Plus la baignoire se remplit, plus la température augmente. C’est très simple. Et elle ne se vide quasiment pas, car ces gaz à effet de serre y restent pendant des dizaines, des centaines, voire des milliers d’années.
Le problème aujourd’hui est qu’à l’échelle mondiale, nous ouvrons chaque année un peu plus les robinets : nous n’avons jamais émis autant de gaz à effet de serre qu’en 2024, et il n’est pas prévu que cela s’arrête à court terme. Le jour où j’ai visualisé cela, j’ai instantanément fait les liens, entre ce qui engendre l’effet de serre (dont l’aviation), et l’urgence liée à ce qui se passe actuellement : canicules, incendies, inondations, famines, migrations, perte de rendements agricoles, etc.
Tout en gardant ces données en toile de fond, j’ai donc tenté de comprendre les mécanismes de l’agressivité de certain.e.s sur les réseaux, dirigée vers celles et ceux qui osent faire un pas de côté. Pour m’en défaire sans doute, même si elle n’atteint aucunement mes convictions et encore moins mes choix. (...)
Première piste de réflexion pour expliquer ces réactions agressives : les biais dont nous sommes victimes
Connaissez-vous le biais de coût irrécupérable ? Il s’agit de la tendance que nous avons toutes et tous à nous entêter dans nos décisions, à partir du moment où nous avons investi dedans. (...)
Deuxième piste : le coût social du renoncement
Ces biais s’accompagnent souvent d’une volonté sans doute inconsciente d’éviter d’y perdre socialement. Car dans l’imaginaire collectif, renoncer est un constat d’échec, et personne n’aime qu’on lui demande de changer ses habitudes. (...)
Nous sommes des animaux sociaux et le regard de notre entourage nous importe : je pense que nous sommes instinctivement enclins à nous conformer à ce que pense la « meute », afin de ne pas en être exclu.
Troisième piste : chacun voit midi à sa porte
L’agressivité sur les réseaux a peut-être une autre cause assez simple. Comment réagissons-nous si l’on nous assène à longueur de temps des arguments qui s’opposent à nos croyances et à notre manière de vivre notre vie, quel que soit leur bien fondé ? (...)
Nous regardons toutes et tous le monde à travers des lunettes différentes. (...)
Quatrième piste : l’égo
Et si personne n’aime recevoir de critiques, c’est aussi parce que nous les prenons trop souvent de manière personnelle. (...)
Cinquième piste : la réponse « fight or flight »
Justement, une des réponses que l’évolution a mise en place pour nous aider à survivre, est la présence en nous d’un système nerveux autonome. Il s’active indépendamment de notre volonté. De temps en temps pour l’action, la fuite ou la lutte, c’est-à-dire afin de nous aider à rester en vie lorsqu’un danger est détecté : c’est la réaction « Fight or flight » (...)
En cas de risque de mort sociale de notre égo, c’est-à-dire si nous nous sentons menacé.e dans nos fondamentaux, ou dévalué.e au plus profond de notre être par une critique, un post, ou une réflexion, notre organisme peut donc déclencher cette réponse physiologique de survie, qui nous pourra rendra immédiatement agressif/ve. Il ne s’agit donc que d’une réaction parfaitement humaine, même si elle s’avère être souvent disproportionnée. Elle vise simplement à retrouver un peu de sécurité.
Finalement, comment faire pour sortir de cette agressivité latente ?
Comment passer outre ces adhérences, accepter la critique, éviter de devenir agressif, et modifier notre façon de réagir ?
D’abord en se documentant sur les tenants et aboutissants des bouleversements écologiques actuels. La littérature est abondante. Lorsque j’ai compris ce qui se passait, je n’ai plus décemment pu rester dans le déni, et surtout, j’ai réalisé que si nous nous en sortons, ça sera en coopérant, pas en nous montant les uns contre les autres.
Et puis, à titre personnel, le fait d’avoir découvert comment l’organisme humain fonctionne, notamment au niveau du système nerveux et des biais dont j’ai parlé, m’a permis à la fois de me méfier de mes réactions lorsque je suis soumis aux critiques, mais également de mieux comprendre les réactions des autres à mes propos. Et si je suis honnête, je dois également reconnaître qu’une part de moi est parfois d’accord avec les reproches qui me sont faits : je reste humain, après tout, avec mes failles et ma sensibilité.
Mais si nous acceptons d’écouter notre petite voix intérieure, nous pouvons je crois tout doucement changer, nous remettre à l’écoute des autres, et nous réaligner avec qui nous sommes vraiment.(...)
(...)