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JO : au JT de France 2, la célébration plutôt que l’information
#JO2024 #medias #France2 #JT
Article mis en ligne le 11 septembre 2024
dernière modification le 8 septembre 2024

Les JO ont occupé une place importante sur France Télévisions : le groupe public étant un des diffuseurs des jeux, les programmes de France 2, France 3 et dans une moindre mesure de France 5 ont été largement occupés par la retransmission des épreuves sportives. Cette prééminence accordée aux JO se traduit d’ailleurs par la mise en place d’un plateau temporaire sur le toit du musée de l’Homme au Trocadéro, accueillant, entre autres, les 20h de France 2. Des 20h raccourcis, d’une trentaine de minutes quotidiennes censées être consacrées à l’information, au milieu de journées largement dévolues à la retransmission des épreuves sportives. Pour quel résultat ?

Les JO omniprésents

Nous avons donc analysé le contenu des 20h entre le 24 juillet et le 11 août [1].

Un premier constat s’impose : les JO ont été de loin le sujet le plus traité lors de la période étudiée (...)

Face à cette déferlante, les autres sujets sont donc réduits à peau de chagrin. Comme l’a noté Arrêt sur images, les émeutes racistes au Royaume-Uni ont été reléguées au second plan avec seulement 2 sujets au 20h (les 5 et 8/08). La situation à Gaza a elle aussi été mise au second plan, en deuxième partie du journal. Dans ce cas, il serait cependant faux de conclure que c’est l’actualité des JO qui a éclipsé le traitement des massacres à Gaza : France 2 n’avait pas attendu les JO pour pratiquer pareille invisibilisation. De fait, le dispositif des JO renforce des tendances déjà observables dans le passé.

La rédaction du 20h aura trouvé tout de même quelques minutes pour évoquer la guerre en Ukraine, la canicule ou encore les départs en vacances (liste non exhaustive).

Des sujets interchangeables et en forme de spot publicitaire

La grande majorité des reportages consacrés aux JO se résument à des comptes rendus des épreuves du jour. (...)

Les reportages sur les épreuves sportives consistent généralement à montrer quelques images de l’épreuve, de la remise de médailles, des supporters, le tout entrecoupé de témoignages des athlètes ou des spectateurs. Si la majorité des sujets se concentre sur une épreuve ou un athlète, certains résument en quelques minutes la journée (« Le journal des Jeux », sujet quotidien) ou un groupe d’épreuves (« Football, basket, handball : l’heure décisive » le 6/08 par exemple).

À cela s’ajoutent les reportages « L’œil des JO » qui entendent montrer les coulisses des Jeux, « la préparation physique d’une grande championne ou encore l’enthousiasme des commentateurs étrangers » d’après Anne-Sophie Lapix (29/07) : ces reportages sont découpés en plusieurs parties autour d’une image « insolite », d’un commentaire d’un journaliste étranger ou encore d’une inquiétude dans l’organisation des Jeux (comme le report des entraînements du triathlon le 29/07).

Quelques sujets moins superficiels entendent mettre en perspective cette actualité olympique (...)

Quant aux potentielles critiques, elles ont été invisibilisées… voire moquées. « Quand je pense que certains ils disaient les Français ils ne seront pas au rendez-vous, quand je pense qu’il y a même des Parisiens qui ont même quitté Paris, franchement on peut leur dire… » s’exclame ainsi Laurent Delahousse le 28 juillet. Cette tendance n’est cependant pas surprenante. Comme l’a documenté Arrêt sur images, dans les 15 jours précédant la cérémonie d’ouverture, les reportages avec un angle critique avaient déjà été quasi inexistants. (...)

Cette absence de sujet critique va logiquement de pair avec une vision largement dépolitisée des Jeux. Les JO, pour le 20h de France 2, se réduisent à une succession d’épreuves sportives, de supporters en liesse et de remises de médailles (idéalement à des athlètes français). Les divers problèmes soulevés en amont des Jeux (prix des billets, surveillance policière, enjeux écologiques) sont ignorés. Quelques rares sujets évoquent des enjeux plus politiques. (...)

Mais hors de ces quelques rares sujets, le 20h offre une vision d’un univers olympique apolitique (et ce alors même que toute l’histoire des JO démontre leur caractère éminemment politique) (...)

Les JO principalement réduits à certains athlètes français

Dans les reportages consacrés aux athlètes et aux comptes rendus des épreuves sportives, un constat s’impose : le 20h de France 2 ne s’intéresse presque qu’aux athlètes français. Un point sur le nombre total de médailles françaises et sur la position de la France dans le classement des médailles entre nations est d’ailleurs régulièrement fait.

Ce constat mérite cependant d’être précisé. En effet, parmi les 450 athlètes que comptait la délégation française, la grande majorité n’a pas ou peu bénéficié de l’attention du 20h. Alors que nombre d’épreuves où concouraient des Français comme le rugby féminin ou le trampoline ont été purement et simplement ignorés, le JT se focalise sur les athlètes les plus connus, les plus médiatisés et de préférence médaillés, comme Teddy Riner ou bien sûr Léon Marchand, dont les exploits occupent pas moins de 40% de la durée du JT du 5 août.

Ce sont ainsi les victoires médaillées qui intéressent le plus le 20h (...)

Le traitement des athlètes d’autres nations est largement minoritaire par rapport aux Français. Il pâtit, de plus, des mêmes biais que s’agissant des athlètes français : seuls bénéficient d’un sujet les superstars et les multimédaillés (...)

Ce choix éditorial de se concentrer essentiellement sur les réussites des athlètes français et les supporters en liesse n’est pas neutre. Le 20h choisit de mettre en avant un chauvinisme et une glorification des vainqueurs français et invisibilise largement d’autres problématiques qui auraient pu être abordées en lien avec les JO. (...)

Nul besoin d’être hostile aux JO pour se demander si c’est bien le rôle d’un journal télévisé que de servir pendant un peu plus de 15 jours de service de communication à un événement sportif mondial.