
L’organisation écologiste britannique Just Stop Oil a annoncé la fin de ses actions coup de poing après les nombreuses arrestations de militants, l’hostilité médiatique et une désaffection du public.
« Qu’est ce qui a plus de valeur ? L’art ou la vie ? » Le 14 octobre 2022, les images de deux activistes jetant de la soupe à la tomate sur les Tournesols de Van Gogh dans la National Gallery de Londres ont fait le tour du monde. Les médias internationaux se sont demandé qui osait s’en prendre à une œuvre d’art. Cette organisation, Just Stop Oil (JSO) a annoncé fin mars mettre un terme à ces actions coups de poing, dont le point d’orgue sera une « célébration joyeuse » le samedi 26 avril, devant le Parlement britannique.
Cette annonce intervient après trois années durant lesquelles les activistes britanniques, jeunes comme retraités, ont choqué volontairement le monde pour tirer la sonnette d’alarme sur l’urgence climatique
Objectif rempli ?
Officiellement, l’organisation affirme avoir gagné : le gouvernement travailliste n’octroiera pas de nouvelles licences pétrolières ni gazières — ce qui était leur revendication initiale. Deux ans après Extinction Rebellion Royaume-Uni, JSO veut à son tour réfléchir à une approche différente. Mais à l’heure de faire le bilan, force est de constater l’incompréhension du public. Une très large majorité de Britanniques — 68 %, selon une étude publiée en 2023 par l’Université de Bristol — désapprouve les méthodes de JSO.
« Ils ont réussi à recevoir de l’attention médiatique, mais cela ne veut pas dire que les médias ont plus parlé de la crise climatique, relève le politologue Oscar Berglund, co-auteur de l’étude. Sauf en ce qui concerne les permis d’exploitation de gaz et de pétrole en mer du Nord. » Pour autant, « il n’y a pas de preuves indiquant que leurs méthodes ont été contreproductives », poursuit le professeur. Ce que leur ont régulièrement reproché les tabloïds qui les insultaient régulièrement, les qualifiant d’« écofanatiques ».
Une très forte répression
Pour Oscar Berglund, l’annonce de JSO n’est pas une surprise. « Ils sont devenus trop impopulaires pour recruter des nouveaux membres. » Au-delà de l’incompréhension du public, ce sont surtout les arrestations de militants — plus de 3 000 selon JSO — et de très lourdes peines de prison prononcées à l’égard de certains d’entre eux —dont le fondateur de JSO, Roger Hallam — qui ont refroidi les potentielles recrues. Selon le mouvement, 180 activistes ont été emprisonnés par la justice britannique. (...)
Lucia Whittaker De Abreu. Jointe par téléphone, l’activiste est en liberté conditionnelle, bracelet électronique à la cheville. « Je suis extrêmement fière de ce que l’on a accompli », dit-elle, précisant qu’elle n’a pas le droit d’être en lien avec des militants du collectif et qu’elle ne parle pas en leur nom.
« Si c’était à refaire, je le referais. Il s’agissait d’attirer l’attention ou de perturber la vie des gens ordinaires afin d’interpeller sur ce qui ne va pas dans notre société, clame l’activiste. Nous avons pris des mesures qui ont contrarié parce que justement nous nous soucions des gens ordinaires. Des bouleversements catastrophiques sont déjà en train de se produire dans plusieurs régions du monde, or, ce monde, nous l’aimons. »
Le jet de soupe sur les Tournesols ? « Van Gogh lui-même valorisait la vie plus que l’art. Celui qui comprend cet artiste sait qu’il aurait été en phase avec l’action », dit-elle. La militante, qui a rejoint JSO dès le début, croit désormais à un mouvement plus global, réunissant « toutes les injustices, de la Palestine au climat ». L’organisation, elle, dit encore réfléchir stratégiquement à sa prochaine campagne, et aux méthodes que celle-ci utilisera. Une mutation qui sera, à n’en pas douter, scrutée aussi bien par le reste des écologistes que par leurs ennemis.