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Mediapart
L’administration Trump entrave le travail de la justice pénale internationale en Ukraine
#USA #Trump #justice
Article mis en ligne le 20 mars 2025
dernière modification le 18 mars 2025

Les États-Unis ont successivement annoncé la mise en place de sanctions contre la CPI, leur retrait d’un groupe d’entraide judiciaire sur l’agression de l’Ukraine et la suspension des financements de chercheurs enquêtant sur les déportations d’enfants ukrainiens.

L’étau se desserre nettement pour les criminels de guerre. En tout cas, pour ceux qui ont œuvré en Ukraine. En quelques semaines, l’administration Trump a affaibli voire supprimé plusieurs mécanismes par lesquels les États-Unis contribuaient aux efforts de la justice internationale dans ce pays.

Dernière annonce en date : Washington a décidé de se retirer du Centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine (ICPA), a-t-on appris lundi 17 mars. Cette plateforme de coordination judiciaire créée en juillet 2023 réunissait des procureur·es issu·es de plusieurs pays. Elle visait notamment à collecter, à conserver et à analyser des preuves pour identifier les responsables du crime d’agression commis contre l’Ukraine.

Le « crime d’agression » (aussi appelé « crime contre la paix ») désigne le fait pour un État de recourir à la force armée contre la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un autre État. Il est considéré comme l’un des crimes les plus graves du droit pénal international. Mais contrairement aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité commis en Ukraine, la Cour pénale internationale (CPI) n’est pas compétente pour le juger.

L’ICPA était considéré comme une première étape vers la création d’un tribunal afin de juger les dirigeants russes impliqués dans le déclenchement de la guerre en Ukraine. Les États-Unis y avaient détaché une procureure spéciale, Jessica Kim, et avaient apporté en novembre 2023 une contribution financière au travail de l’ICPA par l’intermédiaire de leur département d’État.

Selon le New York Times, le gouvernement états-unien a également décidé de « réduire le travail » de la War Crimes Accountability Team (connue sous l’abréviation WarCAT), l’équipe qui au sein du ministère de la justice des États-Unis planche elle aussi sur les crimes de guerre commis en Ukraine. (...)

Avant cela, l’administration Trump avait déjà porté un premier coup aux efforts de la justice internationale pour les crimes commis en Ukraine, en supprimant les financements d’une équipe de chercheurs de l’université Yale (États-Unis) qui menait, depuis deux ans, un travail de référence sur les déportations d’enfants ukrainiens vers la Russie. (...)

« Cette suspension des financements est une mesure qui vient entraver le droit pénal international et le droit humanitaire international », réagit auprès de Mediapart Me Emmanuel Daoud, qui a adressé en septembre 2024 à la CPI un long document détaillant le rôle de citoyens russes ayant participé à des déportations d’enfants ukrainiens.

Tout en jugeant cette décision « plus que préoccupante », l’avocat espère qu’elle n’aura pas d’effet majeur : « Pour autant, la justice pénale internationale s’inscrit dans le temps long et cette mesure trumpienne sera oubliée dans quelques années car elle s’inscrit à rebours de la vérité juridique, judiciaire, factuelle et historique. » (...)

Cette série de décisions n’a pas été commentée ni motivée par la nouvelle administration Trump, en dehors de déclarations générales sur la nécessité de couper massivement dans les dépenses de l’État fédéral. Mais les chances que ces décisions ne soient qu’une conséquence malheureuse de coupes plus globales sont quasiment nulles ; elles semblent au contraire viser spécifiquement à entraver les efforts pour poursuivre et condamner les crimes russes en Ukraine. (...)

Au contraire de son prédécesseur Joe Biden, l’actuel président des États-Unis n’a jamais décrit son homologue russe comme un agresseur ou un possible criminel de guerre – qu’il semble surtout voir comme un partenaire d’affaires en puissance, si l’on en juge la tonalité de leurs échanges récents, pressés de reprendre une coopération économique fructueuse.