
Des hauts gradés soupçonnés de déloyauté ont été limogés. Parmi les soldats du rang, les personnes trans sont la cible d’attaques virulentes du nouveau président des États-Unis, qui veut leur interdire de s’engager.
En l’espace de dix jours, la nouvelle administration Trump a pris un décret affirmant que les personnes trans n’avaient pas leur place dans l’armée américaine ; a démis de ses fonctions la première femme de l’histoire à diriger une branche des forces armées ; a fermé les bureaux du département de la défense consacrés à la diversité, à l’équité et à l’inclusion ; a étudié le moyen de faire cesser les activités d’un centre consacré à la protection des civils lors d’opérations militaires et a demandé l’ouverture d’une enquête disciplinaire contre un ancien chef d’état-major critique de Donald Trump. Et ce n’est que le début.
La chasse aux sorcières lancée par le président américain dès son investiture est particulièrement prononcée dans les institutions chargées de veiller à la défense et à la sécurité des États-Unis, touchant ainsi aussi bien des cadres soupçonné·es de déloyauté ou de « wokisme » que des soldat·es ordinaires ne correspondant pas au modèle de virilité blanche fantasmé par l’idéologie Maga (« Make America Great Again »).
« On assiste à une purge qui est effective au département d’État [l’équivalent aux États-Unis du ministère des affaires étrangères – ndlr], en cours dans les services de renseignement, et touche également le Pentagone. Elle ne concerne pas uniquement les personnes LGBTQ mais tous ceux qui sont considérés comme des “ennemis de l’intérieur” », analyse Maud Quessard, directrice du domaine Europe, espace transatlantique, Russie à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), pour qui il n’est pas exagéré d’établir un parallèle avec la période du maccarthysme. (...)
Au sommet de l’institution, Donald Trump a d’abord limogé les inspecteurs généraux du département de la défense et du département des anciens combattants – des autorités indépendantes chargées de lutter contre le gaspillage, les fraudes et les abus.
Des mises à pied illégales : selon une loi fédérale, le président doit notifier le Congrès des États-Unis trente jours avant de révoquer un inspecteur général, délai que Donald Trump n’a pas respecté (il l’avait pourtant fait en 2020 lorsqu’il avait limogé l’inspecteur général du département d’État).
Le 47e président des États-Unis s’en est ensuite pris à une figure bien connue dans l’institution : le général Mark Milley, ancien chef d’état-major des armées, nommé à ce poste par Donald Trump lui-même en 2019 avant de faire preuve d’un peu trop d’indépendance au goût de ce dernier. (...)
En 2023, Donald Trump avait suggéré que Mark Milley devrait être condamné à mort pour avoir passé un appel téléphonique aux autorités chinoises afin de leur assurer que les États-Unis n’allaient pas les attaquer avec l’arme nucléaire.
Offensive transphobe, homophobe et sexiste
Mais la chasse aux sorcières lancée depuis dix jours ne concerne pas que la tête de l’institution militaire. Dans une série de décrets et de mémos, Donald Trump et son secrétaire à la défense s’en prennent avec virulence aux femmes et aux minorités présentes au sein de l’armée. (...)
Être accusé d’agression sexuelle, de comportements sexistes, de propos racistes, de consommation d’alcool excessive et répétée sur son lieu de travail ne semble, au passage, pas poser de problème pour démontrer un style de vie « honorable », « même dans sa vie personnelle » : c’est le cas du secrétaire d’État à la défense Pete Hegseth, à qui Donald Trump a réitéré sa confiance malgré une série de révélations sur son comportement problématique.
Les ordres présidentiels sont d’ores et déjà appliqués avec zèle. (...)
Le 24 janvier, la même armée de l’air a brièvement retiré de son programme de formation des films éducatifs sur le rôle joué par les Women Airforce Service Pilots (un groupe de femmes pilotes civiles) ou les Tuskegee Airmen (un groupe d’aviateurs africains-américains) pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a dû faire machine arrière devant le déluge de critiques.
Quant à Pete Hegseth, le nouveau secrétaire d’État à la défense, il a rédigé une note manuscrite à ses services dans laquelle on peut lire, tracé au feutre noir sur une fiche à en-tête du gouvernement américain : « DoD ≠ DEI », soit « pas de programmes diversité, équité et inclusion (DEI) au département de la défense (DoD) ». « Le Pentagone s’y conformera immédiatement », ajoutait encore sur le réseau social X l’ex-présentateur de Fox News propulsé ministre. (...)
Le droit de s’engager dans l’armée américaine a été un long combat pour les membres de la communauté LGBTQIA+. Barack Obama a mis fin en 2011 à la politique dite « Don’t ask, don’t tell », qui empêchait les militaires de révéler leur homosexualité. Puis il a levé en 2016 l’interdiction aux personnes trans de devenir militaires. Donald Trump a déjà tenté de remettre en place cette interdiction en 2017, mais son secrétaire à la défense de l’époque était parvenu à assouplir les conditions de son application.
Cette fois, il y a peu de chances que le président américain laisse qui que ce soit se mettre en travers de ses desseins. (...)
Quant à la volonté affichée de « déwokiser » l’armée, il faut la prendre avec le plus grand sérieux : d’abord parce qu’il ne s’agit pas d’une initiative isolée de Donald Trump, mais d’un programme largement partagé et soutenu ; ensuite parce qu’il est mûri de longue date et trouve aujourd’hui les bonnes conditions pour être appliqué. (...)