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France TV Info
L’article à lire pour comprendre les enjeux du procès des assistants parlementaires européens du Front national
#RN #extrmeroite #assistantsparlementaires #parlementEuropeen #correctionnelle
Article mis en ligne le 30 septembre 2024

Marine Le Pen et 24 autres personnes ainsi que le parti d’extrême droite, en tant que personne morale, comparaissent à partir du lundi 30 septembre devant la justice pour des soupçons de détournement de fonds du Parlement européen.

L’audience promet d’être particulièrement scrutée au sein de la classe politique. Le procès de Marine Le Pen ainsi que de 24 personnes et du Rassemblement national (RN) s’ouvre lundi 30 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris. Près d’un an après le procès des assistants parlementaires européens du MoDem, les élus, cadres et ex-cadres du parti d’extrême droite sont à leur tour jugés pour des soupçons de détournement de fonds publics européens. L’enjeu est de taille pour le RN, et notamment pour sa prétendante à l’Elysée, Marine Le Pen, car des peines d’inéligibilité sont encourues. Franceinfo répond aux questions qui se posent sur ce rendez-vous judiciaire prévu pour durer deux mois, à raison de trois audiences par semaine.

Que reproche la justice au parti ?

L’affaire démarre en juin 2014, un mois après les élections européennes qui ont vu 24 députés frontistes faire leur entrée au Parlement européen. L’Office européen de lutte antifraude est destinataire d’un renseignement anonyme visant les conditions d’emploi des assistants parlementaires de Marine Le Pen, eurodéputée depuis dix ans. Les soupçons de détournement de fonds se précisent lors de la publication de l’organigramme du Front national (devenu depuis le RN) au printemps 2015. Seize eurodéputés du FN et 20 assistants parlementaires y occupent des fonctions officielles alors qu’ils sont censés être mobilisés à Bruxelles et Strasbourg.

Le Parlement européen se tourne alors vers la justice française, qui lance des investigations. (...)

Au fil des investigations, confiées fin 2016 à deux juges d’instruction financiers parisiens, les magistrats soupçonnent le parti d’avoir "de manière concertée et délibérée" mis en place un "système de détournement" des enveloppes de 21 000 euros par mois allouées par l’UE à chaque député pour rémunérer des assistants parlementaires. (...)

L’objectif, selon l’accusation, était de réaliser des économies substantielles de salaires pour le FN, alors très endetté. Dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, consultée par franceinfo, les juges d’instruction insistent sur le "caractère systémique des détournements" qui, au fil des législatures, sont devenus "un moyen de financement du parti" dans un contexte de difficultés financières.

Quels sont les éléments à charge ? (...)

"Ce que Marine nous demande équivaut qu’on signe pour des emplois fictifs... et c’est le député qui est responsable pénalement sur ses deniers même si le parti en est le bénéficiaire."

(...)

Ces éléments sont confirmés par Nicolas Franchinard, ancien collaborateur de trois eurodéputés FN, dans l’émission "Complément d’enquête" diffusée jeudi 19 septembre sur France 2. (...)

Qui sont les principaux prévenus ?

Ce procès vise au premier chef Marine Le Pen, jugée pour détournement de fonds publics et complicité de détournement de fonds publics. (...)

Au total, neuf personnes ayant été élues au Parlement européen sur des listes Front national comparaîtront. Douze assistants parlementaires, ainsi que quatre collaborateurs du parti, seront également sur les bancs des prévenus. (...)

Les prévenus encourent une peine maximale de dix ans de prison et d’un million d’euros d’amende. Le tribunal peut également les condamner à une peine d’inéligibilité de dix ans. Le Rassemblement national, en tant que personne morale, devra répondre aussi de complicité et recel de détournement de fonds publics, sur toute la période visée (2004-2016).

Pourquoi Jordan Bardella n’est-il pas poursuivi dans cette affaire ?

Jordan Bardella a été, durant quelques mois en 2015, l’assistant parlementaire de Jean-François Jalkh. Mais il ne figure pas parmi les douze ex-assistants parlementaires jugés dans cette affaire. Pourtant, selon le livre La Machine à gagner. Révélations sur le RN en marche vers l’Elysée, paru le 13 septembre, son nom apparaît bien dans l’organigramme du Front national publié en février 2015. L’actuel patron du parti y est désigné comme "chargé de mission" auprès de Florian Philippot, ancien vice-président du FN.

Si Jordan Bardella n’est pas poursuivi, c’est que, selon l’auteur du livre, Tristan Berteloot, il a contribué à fabriquer "de fausses preuves de travail" pour "berner la justice". (...)

Quelle est la ligne de défense du parti et des prévenus ?

Au moment de l’annonce du renvoi devant la justice du parti et des 27 prévenus (dont, à l’époque, Jean-Marie Le Pen et Jean-François Jalkh), en décembre 2023, le Rassemblement national avait martelé que Marine Le Pen n’avait "commis aucune infraction ni irrégularité" et contesté "formellement les accusations formulées contre nos députés européens et assistants parlementaires". (...)

la principale ligne de défense du RN et de ses cadres : le parti à la flamme a toujours prôné sa liberté d’octroyer les tâches qu’il voulait aux assistants de ses eurodéputés. Alexandre Varaut, ancien avocat du RN devenu porte-parole du parti dans ce dossier depuis qu’il a été élu eurodéputé, confirme cette stratégie auprès de franceinfo. (...)

L’autre argument brandi est également d’ordre politique. Comme le développait sur franceinfo Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme, après la relaxe du président du MoDem, François Bayrou, cette procédure initiée par Bruxelles viserait des "partis antisystème" pour "de vils motifs politiciens". (...)

Marine Le Pen peut-elle se réjouir de la relaxe de François Bayrou ?

Pas vraiment. François Bayrou a été relaxé "au bénéfice du doute" – le parquet de Paris a fait appel – mais dix autres cadres et élus de son parti, parmi lesquels cinq anciens eurodéputés, dont Jean-Luc Bennahmias ou l’ancien sénateur et garde des Sceaux Michel Mercier, ont été condamnés à des peines de prison avec sursis, des amendes et des peines d’inéligibilité. Marine Le Pen a elle-même reconnu qu’elle ne pouvait pas "se réjouir" de cette décision. Une condamnation pourrait-elle entraver ses ambitions présidentielles ?

Alors que la triple candidate malheureuse à l’Elysée entend à nouveau concourir dans trois ans, une condamnation à une peine complémentaire d’inéligibilité – de dix ans maximum – pourrait contrarier ses ambitions. (...)

Une condamnation pourrait-elle entraver ses ambitions présidentielles ?

Alors que la triple candidate malheureuse à l’Elysée entend à nouveau concourir dans trois ans, une condamnation à une peine complémentaire d’inéligibilité – de dix ans maximum – pourrait contrarier ses ambitions. (...)

Dans le cas d’une peine ferme, les recours peuvent également jouer en faveur de la future candidate et lui permettre d’enjamber les échéances électorales. La décision devrait être rendue début 2025. Si celle-ci n’est pas favorable au parti et aux prévenus, ces derniers peuvent faire appel et suspendre ainsi la peine prononcée. Si cette peine était confirmée en appel, un recours en cassation permettrait de repousser encore son exécution, donc la perspective d’une inéligibilité. Mais comme le fait observer une source judiciaire auprès de franceinfo, une décision définitive au printemps 2027, soit juste avant le scrutin, n’est pas inenvisageable. Le "risque existe pour Marine Le Pen", selon cette même source, qui rappelle que le tribunal peut aussi ordonner l’exécution provisoire de la peine d’inégibilité, annulant l’effet suspensif des recours.