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coudes à coudes/Christian de Montlibert, sociologue, Revue des sciences sociales,
L’éducation populaire en crise
#educationPopulaire
Article mis en ligne le 28 août 2024
dernière modification le 26 août 2024

ce qu’on nomme éducation populaire n’est qu’une orientation parmi d’autres au sein du vaste processus d’éducation du peuple que les philosophes du XVIIIe, Diderot, Voltaire, Condorcet, entre autres, ont tant défendu.

(...) aujourd’hui, se revendiquent de l’éducation populaire différentes pratiques soutenues par des représentations qui visent, soit la diffusion des savoirs (les universités populaires par exemple[6]), soit la participation à des débats suscités le plus souvent par le récit d’expériences vécues[7], soit l’apprentissage de techniques relevant de pratiques quotidiennes et de l’artisanat[8], soit l’adhésion à une visée politique[9],soit les problèmes des immigrés, hommes et femmes (visant principalement l’apprentissage du français, les rapports à la religion et à la laïcité, la question des origines et la définition de l’identité ) [10].

La question de la légitimité et de l’illégitimité ou plus précisément de la dignité et de l’indignité des pratiques dites culturelles est sous jacente aux débats autour des significations de l’éducation populaire. Historiquement d’ailleurs elle a toujours été définie, implicitement ou explicitement, en fonction des rapports de classe soit comme processus de diffusion des goûts culturels légitimes soit au contraire comme opposition aux pratiques culturelles des classes dominantes (...)

Les signes d’une crise de l’éducation populaire

Reste que l’éducation populaire éprouve actuellement bien des difficultés : le public attendu n’est pas toujours là, les animateurs, intervenants, bénévoles se font plus rares, les organismes financeurs imposent des normes comptables rigides qui freinent l’action, le doute s’est installé sur les finalités, etc.. Les modes de fonctionnement des associations d’éducation populaire sont de plus en plus exposés à une logique managériale et à des contraintes de gestion à un point tel que les questions des financements et des subventions conditionnent les relations avec les collectivités territoriales et les pouvoirs publics. Les projets, dans ces conditions, risquent d’être plus souvent élaborés pour répondre aux critères décidés par les pouvoirs publics ou bien aux exigences d’un marché que pour s’ajuster aux attentes exprimées (ou supposées) des participants ou aux intentions des animateurs. (...)

Cette crise n’est pourtant pas une nouveauté : vers 1971-1973 l’éducation populaire a connu une période de désillusion qui lui a été dommageable. Les accords de Grenelle, après la longue grève de 1969 qui a réuni jusqu’à 11 millions de salariés, ont reconnu le droit à la formation continue. Les agents de l’éducation populaire aspiraient à devenir une composante de l’éducation permanente. Mais la loi de 1971 ruinera ces espoirs en soumettant l’éducation permanente aux desiderata des entreprises (...)

l’éducation populaire conçue comme une émancipation était abandonnée au profit d’une formation adaptée aux nécessités des postes de travail. Sachant que toute pratique sociale est doublement déterminée par l’organisation matérielle et symbolique des rapports sociaux et par les caractéristiques sociales des agents qui l’accomplissent[13] on ne peut que constater que les transformations institutionnelles ont, depuis, fortement augmenté et suscitent la crise qu’éprouve l’éducation populaire. (...)