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Mediapart
« La déposition », un film « écrin » pour la parole d’une victime de violences dans l’Église
#Eglisecatholique #agressionssexuelles #violences #enfants
Article mis en ligne le 26 octobre 2024
dernière modification le 23 octobre 2024

La réalisatrice Claudia Marschal revient sur une affaire d’agression sexuelle sur mineur au sein de l’Église, dans un village d’Alsace, au début des années 1990. Ce documentaire intense, en salle mercredi, se base sur une matière inédite : la déposition originale faite devant un gendarme.

Le film se nourrit d’un geste interdit. Une captation pirate, que le public n’aurait jamais dû entendre. Durant trois heures, Emmanuel Siess a enregistré sur son téléphone la plainte qu’il a déposée auprès d’un gendarme, adjudant-chef, au moment d’accuser d’agression sexuelle le prêtre de son village d’Alsace, tout près de la frontière suisse. Il avait 13 ans à l’époque des faits. Il en a 41 au moment du dépôt de sa plainte.

La Déposition, documentaire remuant de Claudia Marschal, en salle mercredi 23 octobre, puise son intensité de ce matériauDans le dossier de presse, l’intéressé s’explique sur ce choix tout sauf anodin d’avoir enregistré la scène. C’était « pour avoir une trace », assure-t-il, loin d’avoir en tête le long métrage à venir : « Quand je vais faire ma déposition, tout ce qui relève de la gendarmerie, la police, l’Église et ses institutions… j’ai un peu de mal à leur faire confiance. » Comme une manière de se protéger, si les choses finissent par mal tourner.

Dans le dossier de presse, l’intéressé s’explique sur ce choix tout sauf anodin d’avoir enregistré la scène. C’était « pour avoir une trace », assure-t-il, loin d’avoir en tête le long métrage à venir : « Quand je vais faire ma déposition, tout ce qui relève de la gendarmerie, la police, l’Église et ses institutions… j’ai un peu de mal à leur faire confiance. » Comme une manière de se protéger, si les choses finissent par mal tourner. (...)

La cinéaste Claudia Marschal, qui est aussi la cousine d’Emmanuel, avait depuis longtemps le projet d’un film autour de lui, à l’origine centré sur son rapport mouvant à la foi. Et lorsqu’elle écoute ces heures d’entretien saisissantes, elle ne pense pas tout de suite pouvoir en faire le cœur de son film, persuadée, notamment, qu’elle butera sur des questions de droit et d’autorisation.

Matériau judiciaire et archives familiales (...)

Claudia Marschal rencontre par la suite celle qui est alors la procureure du tribunal judiciaire de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot, qui visionne un premier montage. « Elle nous a soutenu·es dans ce projet, notamment parce qu’elle a trouvé l’adjudant assez exemplaire, dans sa manière d’accueillir la victime et de poser les questions », explique Claudia Marschal à Mediapart.

L’institution finit par donner son accord, à condition de ne pas divulguer le nom, et de flouter le visage de l’adjudant. (...)

Avec finesse et une grande précision, La Déposition, primé au Festival du film de Locarno l’été dernier, se déploie dans les interstices entre le matériau judiciaire à l’oreille, et les images à l’écran : des archives familiales des années 1990, lorsque les parents géraient l’auberge-hôtel du village, d’autres fabriquées par des habitants de l’époque, ou encore des scènes tournées aujourd’hui par la cinéaste sur les lieux du crime – le parking jouxtant une église, un crucifix en bordure d’une route de campagne. (...)

Réfléchir au « poids du silence »

L’accusé, qui nie les faits, apparaît aussi à travers une lettre qu’il fait parvenir à Emmanuel en 2019, dans laquelle il plaide, apparemment très à l’aise, pour l’apaisement entre eux deux. Cette missive suscitera une telle colère chez son destinataire qu’elle le décidera à porter plainte, des décennies plus tard, alors qu’il vient de revenir habiter au village, dans la maison familiale, qui jouxte l’église. (...)

En mars 2024, la plainte d’Emmanuel est classée pour cause de prescription (qui s’étend à dix ans après la majorité, en cas d’agression sexuelle). Le prêtre continue d’exercer, à ce jour, dans ce village. (...)

Le dossier pourrait tout de même être rouvert, si d’autres victimes du même prêtre, plus récentes, se faisaient connaître, par exemple après la sortie du film en salle.