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Le journal du CNRS
La forêt au défi du changement climatique
#forêts #arbres #rechauffementclimatique #ecosysteme
Article mis en ligne le 26 juillet 2024
dernière modification le 24 juillet 2024

Deuxième puits de carbone naturel après l’océan, la forêt est une alliée précieuse face au réchauffement climatique. Mais elle est aussi victime des sécheresses qui se multiplient et mettent en péril la santé des arbres. Plongez dans ce deuxième volet de notre série d’été consacrée à la forêt.

Fermez les yeux. Imaginez. Vous vous promenez dans la nature, vous respirez l’air frais et revigorant d’une forêt luxuriante. Cette sensation de bien-être n’est pas seulement due à la beauté de ce qui vous entoure. Les forêts possèdent une capacité unique : purifier l’air et réguler le climat. C’est ici, dans ce système complexe et vivant, que se joue une part cruciale de la lutte contre le changement climatique. La forêt constitue en effet le deuxième puits de carbone naturel après l’océan, et séquestre plus de 7 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) par an, soit 1,5 fois plus de carbone que ce que les États-Unis émettent annuellement !

Pour bien comprendre pourquoi la forêt constitue un puits de carbone, il faut revenir aux bases de la botanique. (...)

Le sol forestier, champion du stockage de carbone

Le sol forestier, ce grand oublié, joue lui aussi un rôle déterminant en matière de stockage net de carbone grâce à l’humus (matière organique en décomposition, branches, végétaux) qui s’y accumule – même si, là encore, le mécanisme est plus complexe qu’il n’y paraît car les décomposeurs du sol (vers de terre, micro-organismes) émettent aussi du CO2 en transformant cette matière organique. (...)

« Dans les forêts tempérées et tropicales, le stock de carbone du sol profond (jusqu’à deux mètres sous la surface) représente près des trois quarts du carbone stocké par la forêt, contre un quart pour la partie aérienne des arbres. » (...)

Des dépérissements inédits

Problème : si les forêts jouent un rôle essentiel dans la régulation naturelle du climat, elles subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique actuel. « À l’échelle d’un siècle, on s’attend à connaître autant, voire plus de variation du climat qu’en plus de 10 000 ans », rappelle Hervé Cochard. Les arbres, comme toutes les espèces végétales, ont certes toujours eu une capacité à se déplacer, au gré des variations de température, mais la rapidité du réchauffement actuel risque de ne pas leur en laisser le temps. (...)

« Toutes les essences de la forêt française (chêne, épicéa, sapin, hêtre, pin sylvestre, frêne) sont plus ou moins affectées par le climat actuel, qui est encore loin de celui que l’on aura à la fin du siècle, témoigne Hervé Cochard. On imagine les arbres comme des mastodontes que rien ne peut ébranler, mais jusqu’ici, le climat était relativement stable… » Les arbres ne sont pas invincibles, la preuve en est : leur mortalité a augmenté de 80 % en dix ans dans les écosystèmes forestiers français, selon le dernier inventaire forestier national de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). (...)

Des arbres victimes d’embolie

Parmi les nombreuses conséquences du changement climatique sur les forêts, on peut citer les températures trop élevées (au-delà de 45-50 °C), qui font tout bonnement griller les feuilles des arbres, les incendies… Mais c’est avant tout le manque d’eau lié aux sécheresses qui ébranle la forêt. (...)

« Quand l’eau vient à manquer, l’arbre arrête la photosynthèse, ce qui réduit à la fois sa croissance et sa capacité à stocker du carbone. En contexte de sécheresse caniculaire, les arbres peuvent même aller jusqu’à faire des… embolies, et mourir subitement. » (...)

Ce n’est pas tout. « Des arbres affaiblis par la sécheresse sont une aubaine pour certains ravageurs, à qui il ne reste plus qu’à finir le travail », relate Jonathan Lenoir. Dans le Grand-Est, les Vosges, et plus récemment les Alpes et le Jura, le scolyte, petit coléoptère, engendre le déclin dans les peuplements d’épicéas et de sapins. En forêt de Compiègne, dans l’Oise, terrain de recherche de prédilection du scientifique, les hêtraies sont attaquées par les larves de hanneton forestier. (...)

L’urgence : complexifier nos forêts

Affaiblies, les forêts vont avoir de plus en plus de mal à remplir leur rôle de régulateur du climat. Au point que l’effet puits de carbone pourrait même s’inverser, craignent les scientifiques. À l’échelle mondiale, la forêt se mettrait alors à émettre plus de CO2 qu’elle n’en capture ! « C’est ce qui risque de se produire dans les forêts françaises dès 2026, souligne Philippe Ciais, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement3, si les tendances observées depuis quinze ans se poursuivent. » La faute aux incendies, au dépérissement, aux tempêtes… mais aussi à certaines pratiques de la sylviculture. (...)

Face à cet état des lieux préoccupant, faut-il craindre un emballement climatique pire que projeté par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ? « On peut le supposer, avance Philippe Ciais. Car les modèles actuels du Giec ne prennent pas en compte tous les paramètres de la forêt – embolies, incendies, insectes… » Il est encore possible de protéger les forêts et la diversité des services qu’elles nous rendent, à condition d’agir vite. Plusieurs pistes font consensus : réfléchir aux essences capables de résister au climat actuel et futur, les planter dans les milieux qui leur correspondent, limiter les plantations monospécifiques et favoriser la diversification, éviter de reboiser sur des écosystèmes non forestiers de type tourbière ou savane comme cela se pratique trop souvent dans le cas des compensations carbone, reconnaître les services écosystémiques rendus par la forêt et leur donner une valeur économique… Le mot d’ordre : complexifier nos forêts, plutôt que les standardiser ! (...)

Les superpouvoirs des mangroves (...)

Les mangroves ne font pas que stocker du carbone : elles protègent les littoraux des tempêtes et des cyclones, freinent l’érosion des côtes, filtrent les pollutions venues des terres et sont de véritables nurseries pour toute la biodiversité marine. Pourtant, ces écosystèmes cruciaux reculent. En Afrique, on détruit la mangrove pour exploiter le charbon de bois ; ailleurs, ce sont les constructions sur le littoral qui la menacent, sans oublier l’élevage intensif de la crevette en Asie du Sud-Est. ♦