
La France a décidé mardi d’expulser "douze agents servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien en France". Elle rappelle également pour consultations l’ambassadeur français à Alger, Stéphane Romatet, en représailles aux douze expulsions de fonctionnaires français annoncées par l’Algérie.
Nouveau regain de tensions entre l’Algérie et la France. Emmanuel Macron a décidé, mardi 15 avril, selon l’Élysée, d’expulser "douze agents servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien en France" et de rappeler pour consultations l’ambassadeur français Stéphane Romatet à Alger.
"Les autorités algériennes prennent la responsabilité d’une dégradation brutale de nos relations bilatérales", a estimé la présidence française dans un communiqué, tout en appelant Alger à "faire preuve de responsabilité" pour "reprendre le dialogue".
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a jugé mardi sur Cnews "inacceptable, vraiment inadmissible que la France soit un terrain de jeu pour les services algériens".
Il a également estimé que la réponse de l’Élysée d’expulser "douze agents servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien en France", au renvoi de douze fonctionnaires français du ministère de l’Intérieur par les autorités algériennes, lui "parai(ssait) totalement appropriée".
L’Algérie doit respecter ses obligations, notamment en matière migratoire malgré les "différends" avec la France, a estimé, de son côté, le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot sur TF1.
"Nous allons continuer à tenir les autorités algériennes à leurs obligations. L’obligation de respecter les accords qui régissent notre relation en matière de coopération migratoire, mais aussi en matière de coopération sécuritaire", a-t-il déclaré peu après l’annonce de l’Élysée. (...)
Les autorités algériennes ont déclaré dimanche persona non grata douze fonctionnaires français du ministère de l’Intérieur, leur donnant 48 heures pour quitter l’Algérie, en réponse à l’arrestation en France, puis à sa mise en détention, d’un agent consulaire algérien.
L’expulsion de ces Français "méconnaît les règles élémentaires de nos procédures judiciaires" et "est injustifiée et incompréhensible", a affirmé la présidence française.
"Dans ce contexte, la France procédera symétriquement à l’expulsion de douze agents servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien en France" et "le président de la République a décidé de rappeler pour consultations l’Ambassadeur de France à Alger, Stéphane Romatet", a-t-elle ajouté. (...)
"Dans ce contexte difficile, la France défendra ses intérêts et continuera d’exiger de l’Algérie qu’elle respecte pleinement ses obligations à son égard, s’agissant tout particulièrement de notre sécurité nationale et de la coopération en matière migratoire", a encore dit l’Élysée.
Selon Paris, "l’intérêt même de la France et de l’Algérie est de reprendre le dialogue". (...)
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Pourquoi la France a-t-elle arrêté un agent consulaire algérien ?
Vendredi 11 avril, trois hommes, dont un employé au consulat d’Algérie à Créteil (Val-de-Marne), ont été mis en examen pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le 7e jour, en relation avec une entreprise terroriste, avait annoncé le parquet national antiterroriste (Pnat) français.
Aussi poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, les trois hommes, dont l’agent consulaire, ont été placés en détention provisoire.
Ces arrestations sont liées à une affaire d’enlèvement présumé qui remonte au 29 avril 2024. Elle ciblait l’Algérien Amir Boukhors, alias Amir DZ, un réfugié politique et influenceur de 41 ans suivi par plus d’un million d’abonnés sur TikTok.
3. Pourquoi parle-t-on d’une ingérence de l’Algérie ?
Installé en France depuis 2016, Amir Boukhors fait l’objet de neuf mandats d’arrêt internationaux émis par Alger, qui l’accuse d’escroquerie et d’infractions terroristes. En 2022, la justice française avait refusé son extradition et en 2023, Amir DZ a obtenu l’asile politique.
L’influenceur est revenu dimanche, sur France 2 , sur le kidnapping dont il dit avoir été victime il y a près d’un an. « Je vois un gyrophare et quatre personnes qui descendent de la voiture avec un brassard de police. Ils m’ont menotté et dit qu’un officier de la police judiciaire m’attendait », a-t-il raconté.
Il a expliqué avoir été conduit de force dans un conteneur à Pontault-Combault (Seine-et-Marne), où il aurait été drogué avec des médicaments et séquestré pendant 27 heures, avant d’être relâché. Selon lui, ses ravisseurs seraient de faux policiers qui œuvrent pour le compte des services secrets algériens.
« L’Algérie n’a pas hésité à mener une action violente sur le sol français par l’intimidation et la terreur », a accusé son avocat, Me Éric Plouvier, pour qui Alger a voulu « venir chercher [son client] directement sur le sol français en l’enlevant » le 29 avril 2024.
De son côté, le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a évoqué « peut-être » un « acte d’ingérence étrangère ».
Toutefois, une source proche du dossier en France a appelé à la prudence sur les trois mises en examen, redoutant que l’enquête ne débouche sur « un dossier vide » contre des suspects qui ne seraient que des fusibles, rapporte l’AFP.
L’enquête, ouverte par le parquet de Créteil, a été reprise par le Parquet national antiterroriste (Pnat) en février dernier.
4. Quelle est la réponse d’Alger ?
Pour le ministère algérien des Affaires étrangères, cité par l’AFP, « ce tournant judiciaire, inédit dans les annales des relations algéro-françaises, n’est pas le fruit du hasard ».
Il se produit « à des fins de torpillage du processus de relance des relations bilatérales », a déploré ce ministère, en exigeant la libération « immédiate » de son agent consulaire.
Le ministère algérien a fustigé un « acte indigne », accusant Bruno Retailleau de vouloir « rabaisser » l’Algérie. (...)
5. Dans quel contexte se produit ce nouvel épisode ?
Cette affaire survient une semaine après le déplacement de Jean-Noël Barrot à Alger, alors que la France et l’Algérie s’étaient engagés vers la voie de la réconciliation après une crise diplomatique aiguë entre les deux pays.
À l’origine de cette dispute, le soutien total apporté par le président français Emmanuel Macron au plan d’autonomie marocain du Sahara occidental. La question de cette ex-colonie espagnole oppose depuis des décennies le Maroc, qui contrôle 80 % du territoire et propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté, aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger, qui réclament un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’Onu.
Fin mars, Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune avaient pourtant acté la fin de la crise, appelant leurs ministres des Affaires étrangères de reprendre le dialogue sur tous les sujets « irritants », dont la question migratoire et l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.